🦔 Dossier spécial sur le fermage
Retrouvez les autres volets de notre dossier sur le fermage :
- Les principes et définition du fermage
- Comprendre son contrat de fermage
- [Cet article] Indice de fermage, comment calculer son montant de fermage ?
1. Savoir calculer son fermage à partir de l’indice de fermage, pourquoi est-ce important ?
Le montant du fermage fait l’objet d’une liberté encadrée, puisque le choix des parties ne peut intervenir qu’entre un minimum et un maximum, déterminé par arrêté préfectoral pour les terres, les bâtiments agricoles mais aussi les maisons d’habitation.
Cet arrêté départemental est consultable sur le site de la DDTM (Direction Départementale des Territoires et de la Mer) de votre département ou auprès de la chambre d’agriculture. Le prix du fermage est donc un élément à avoir en tête quand on cherche sa zone d’installation puisque les modes de calculs et les minimums et maximums varient d’un département à l’autre.
Bien estimer son fermage est important autant pour le preneur que pour le loueur :
- pour un propriétaire qui décide de mettre des terres en location pour diminuer ou diversifier son activité par exemple. Ou pour un propriétaire dont le fermage a été fixé il y a très longtemps et qui peut mériter d’être remis à jour à l’occasion d’un changement d’exploitant.
- pour un preneur, cela peut influencer le choix de sa zone d’installation (d’un département à l’autre, ou même au sein de certains départements, des disparités peuvent jouer fortement sur le prix du fermage). Ou quand on a trouvé une ferme à reprendre, pour s’assurer que le fermage proposé est bien conforme.
Parfois, des fermages n’ont pas été établis en suivant des règles strictes, mais ont simplement été définis d’après des usages ou d’après les montants pratiqués dans le voisinage. Toutefois, certains critères d’évaluation peuvent varier d’une parcelle à une autre, même proche géographiquement. Il est donc important de pouvoir se référer aux arrêtés préfectoraux et réévaluer le loyer si cela n’a pas été fait.
2. Indice de fermage 2022 et évaluation du montant selon le type de terres
L’indice de fermage 2022
L’indice de fermage 2022 a été communiqué en juillet 2022 et s’établit à 110,26. La variation par rapport à l'année 2021 est de +3,55 %.
L'indice du revenu brut d'entreprise agricole national à l'hectare retenu pour 2022 est de 107,89. L'indice du prix du produit intérieur brut retenu pour 2022 est de 113,89.
L’indice de la campagne 2021-2022 était de 106,48.
Depuis 2010, le loyer des terres nues et des bâtiments d’exploitation n’est plus actualisé selon la variation d’un indice départemental indexé sur le revenu bruts des exploitations mais d’un indice national unique. Ce qui a permis de niveler les disparités départementales. Cet indice varie chaque année et se place sur 2009 comme année de référence. Il est composé pour 60% de l’évolution du revenu brut au niveau national au cours des 5 dernières années et pour 40% de l’évolution du niveau général des prix de l’année précédente.
Évaluation du montant de fermages en fonction de l’indice de fermage pour les terres agricoles nues
Retrouvez un exemple de grille d’estimation du montant du fermage dans notre article sur la location.
Le calcul du prix du loyer sur les parcelles est lié à plusieurs critères que l’on retrouve de façon récurrente dans tous les départements à quelques nuances prêt:
D’abord, la qualité et nature des terres, pour les tables de qualification les plus exhaustives la qualité des terres s’évalue en 4 ou 5 catégories de la meilleure : ( “Terres profondes (35cm de terre arable voir plus en haute vienne pour atteindre la note max 40 cm de profondeur), de bonne structure, très homogène, de très bonne qualité, permettant l’obtention de hauts rendements et le choix de productions variées. Terres sans humidité excessive avec une très bonne réserve utile, sans roches ni pierres” ); à la plus médiocres agronomiquement ( “Terres de mauvaise qualité, très humides ou très sèches, aux productions limitées et aux rendements très bas (landes, parcours, coteaux…” ).
Plusieurs critères viennent ensuite en tant que bonus ou malus pour évaluer de manière plus globale la parcelle.
- On retrouve par exemple le morcellement et la forme de la parcelle. L’évaluation peut tenir compte de la taille des parcelles, mais aussi de la difficulté de mécanisation due à leur forme, la présence d’arbres, de haies ou de murs. Dans le département du Lot, ce critère est noté sur 15 points. Le relief et l’exposition de la parcelle peuvent également être pris en compte.
- La présence de points d’eau, la possibilité d’irrigation mais aussi la nécessité de mettre en place un système de drainage sur la parcelle peuvent ajouter ou non des points dans la notation de la qualité de ces dernières.
- Enfin, l’accessibilité et l’éloignement des parcelles entrent aussi en ligne de compte. En effet, si les parcelles sont groupées ou si au contraire il y a des difficultés d’acheminements dues à des chemins réduits, la présence de routes nationales ou de voies ferrées influencent la qualité globale de la parcelle.
Les montants des fermages peuvent être assez variables d’un département à l’autre. Par exemple, en Ardèche les barèmes minimum et maximum varient de 29,83 à 141,97 €/ha pour les terres et prés et de 3,73 à 29,83 €/ha pour les pâtures et parcours. En Dordogne, les montants des fermages varient de 16,24€/ha pour les parcelles les plus mauvaises à 173,19€/ha pour les meilleures parcelles, dans le Cantal la fourchette s’échelonne de 20,77 à 166,66€/ha.
Dans certains départements, les valeurs minimum et maximum varient en fonction d’un zonage qui correspond aux régions naturelles, lié au climat, au relief, à la végétation et au sol. Par exemple, dans le département du Lot, les prix de fermages sur caractérisés en 5 zones. Dans le Lot-et-Garonne, le fermage est différencié en deux zones, les montants varient de 99,82 à 199,63€/ha pour la vallée de la Garonne et du Lot et de 49,90 à 149,72€/ha pour les Coteaux et Grandes Landes en 2021-2022.
Pour les vergers, c’est le court moyen du produit qui sert de base pour le calcul du fermage. Ceci s’applique également pour les vignes. Il existe cependant quelques écarts en fonction des départements et des zones d’appellation sur l’origine.
Évaluation du montant de fermages pour les bâtiments agricole
Comme pour les terres agricoles, les arrêtés préfectoraux encadrent les loyers des bâtiments agricoles, avec une limite haute et une limite basse.
Dans la plupart des cas, le loyer est dépendant à la fois de la fonction du bâtiment s’il est destiné à de l’élevage (bovin allaitant, bovin laitier hors équipement spécifiques liés à la traite, ovin, etc.) et de son état, c’est-à-dire si le bâtiment est fonctionnel.
Dans le cas des stabulations par exemple, le loyer variera si le bâtiment offre une configuration adaptée pour être mécanisé, s’il est ou non bien équipé et s’il répond aux normes en vigueur. Dans certains départements le loyer des bâtiments est calculé à partir d’un pourcentage de la valeur vénale d’utilisation de ce dernier (exemple dans le Lot-et-Garonne le loyer est encadré entre 2,7 et 10% de la valeur vénale ce qui représente un loyer entre 0,49 et 6,47€/m2/an).
Évaluation du montant de fermages pour la maison d’habitation
La maison d’habitation d’un corps de ferme est également soumise au statut du fermage. Comme pour les bâtiments agricoles, les maisons d’habitation ont des valeurs locatives encadrées par l’arrêté préfectoral (minimas et maximas). Celles-ci sont calculées selon l’indice de référence des loyers (IRL) de l’INSEE. Les éléments très souvent pris en compte pour évaluer le montant du loyer de la maison d’habitation sont: l’état du gros œuvre (murs, charpentes, …), de la toiture, des huisseries, l’état réglementaire des branchements électriques, le système de chauffage et l’isolation. L’ambiance générale de la maison peut aussi être cumulée avec le reste de l’évaluation. Dans certains cas, l’éloignement de la maison au reste de l’exploitation peut aussi entrer en ligne de compte.
La majoration des baux long terme
Dans la plupart des cas, les montants des fermages sont indiqués pour des baux de 9 ans. Dans certains départements, les parties sont autorisées à majorer le prix jusqu’à 20% pour les baux à long terme de 18 ans, et 15% pour les long terme de 25 ans. Cette majoration peut s’appliquer exclusivement sur les terres ou sur l’ensemble de la location, cette information est spécifiée dans l’arrêté.
Actualiser son fermage en fonction de l’indice de fermage
L’indice des fermages est valable du 1er octobre de l’année en cours jusqu’au 30 septembre de l’année suivante. Comment calculer le fermage actualisé pour la nouvelle année ?
Voici la formule à appliquer pour obtenir le nouveau fermage par hectare pour l’année en cours, par exemple pour l’année 2022 :
Fermage par ha pour l’année 2022 = (fermage par ha en 2021 x indice des fermages année 2022) ÷ indice des fermages année 2021
Pour l’actualisation des fermages entre le 1er octobre 2021 et le 30 septembre 2022, il fallait appliquer une hausse de 1,09 % sur le montant du fermage payé l’année précédente.
Quel index national des fermages en 2022 ?
Le principe d’indexation des fermages sur l’évolution du chiffre d’affaires agricole est né en 1995, et a régi les loyers agricoles jusqu’en 2009.
Le 27 juillet 2010, la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche a permis de créer le nouvel indice des fermages. 2 grandes modifications : il est désormais déterminé au niveau national et non plus en denrées comme c’était autrefois le cas, mais en argent.
Ce nouvel indice a notamment permis de limiter les disparités entre départements. Avec cette loi, l’année 2009 devient l’indice de référence (valeur 100).
De 2011 à 2015, l’indice a connu une importante augmentation pour dépasser 110.
L’indice de fermage 2020 était à 105,33. L’indice de 2021 était de 102,59, soit une baisse importante par rapport à 2020 (-2,74 points).
L’indice de fermage 2022 a été communiqué en juillet 2022 et s’établit à 110,26. La variation par rapport à l’année 2021 est de +3,55 %.
Cas pratique : calcul du fermage d’une exploitation
Description de l’exploitation
Nous prenons pour cet exemple une exploitation en Dordogne de 50 ha dont:
- 1️⃣ 30 ha de prairies* clôturées relativement homogènes, avec des systèmes d’abreuvoir accessibles dans chaque parcelle, ont 2️⃣ 6 ha en fond de vallée qui restent très humides l’hiver et dont la qualité agronomique est moins bonne.
- 3️⃣ 16 ha de terres labourables de bonne qualité agronomique (sol profond, bonne réserve utile, bon rendement)
- 4️⃣ 4 ha de verger noyer de type “traditionnel” avec une densité de plantation de 100 arbres/ha implanté il y 15 et 10 ans. Pour finir l’exploitation compte 16 ha de terres arables de bonne qualité agronomique.
En ce qui concerne le bâti agricole, la ferme compte un 5️⃣ hangar de stockage non bardé récemment construit de 200m². Ce bâtiment à moins de 5 ans, il est en parfait état et encore parfaitement fonctionnel.Il y a également une 6️⃣ bergerie avec l’équipement adapté de 200 places avec cornadis abreuvoir automatique et couloir d’alimentation central. Enfin, l'exploitation compte aussi un ancien 7️⃣ séchoir à tabac qui sert aujourd’hui d’atelier 100m².
Les terres et bâtis agricoles sont complétés par une 8️⃣ maison d’habitation de 100m². La maison est lumineuse, l’isolation, huisserie et toiture ont récemment été refaites.
La maison d’habitation et le reste des bâtiments agricoles sont séparés, et permettent un accès indépendant à la maison. Ces critères permettent de la placer dans la première catégorie.
*Pour calculer le montant des surfaces en prairies, il faudra d’abord tenir compte de la qualité et la nature du sol qui compte pour 60% de l’estimation de sa valeur ou note pour définir le montant du fermage. Ensuite, la forme de la parcelle, l’accès à l’eau, l’éloignement au siège de l’exploitation et son relief compte à part également pour le reste de sa valeur. Cette première estimation de la valeur de la parcelle permet de se situer dans le fourchette de prix min et max définit dans l’arrêté.
Évaluation du fermage : exemple des terres nues et prairies
En reprenant toutes ces informations, et en se référant à l’arrêté préfectoral de Dordogne, nous pouvons évaluer le fermage pour chaque élément de l’exploitation.
Chaque arrêté donne des règles de notation par types de cultures ou de bâtiments.
Ici pour la Dordogne, les prairies doivent être évaluées selon la qualité et la nature du sol d’une part (qui comptera pour 60% de la note) et la forme de la parcelle, l’accès à l’eau, l’éloignement au siège de l’exploitation et le relief, d’autre part (40% de la note).
La valeur intrinsèque des terres
Les terres nues ou prairies peuvent être réparties dans 4 catégories selon la qualité des terres. Chaque catégorie correspond à une fourchette de prix.
L’arrêté indique que pour qu’une terre soit en première catégorie elle doit avoir :
- des sols de profondeur correcte (au moins 30cm),
- sans rochers,
- de pente nulle à modérée,
- permettant un ressuyage rapide.
Les autres éléments de valorisation
Une fois cette catégorie définie, on évalue le fermage à l’intérieur de la fourchette correspondante, en se basant sur d’autres critères.
L’arrêté précise que le montant maximum de la fourchette correspond à des terres :
- groupées,
- irrigables,
- facilement mécanisables,
- disposant de chemins d’accès en bon état.
Résultat du calcul du fermage
Une fois ce travail effectué pour tous les éléments, voici les estimations que nous pouvons obtenir pour évaluer le fermage de cette ferme :
Comme nous l’avons précisé dans ce dossier sur le fermage, des variations peuvent ensuite s’appliquer selon les situations.
Par exemple, pour des baux de long terme, les parties ont l’autorisation de majorer ce fermage (20% pour un bail de 18 ans, 15% pour un bail de 25 ans).
Dans le cas de cultures pérennes (vignes, arboriculture…), une modulation peut être faite dans le cas de plantations nouvelles (si effectuée aux frais du bailleurs) : le montant du fermage sur la parcelle concernée sera alors de 20% du montant, 40% la 2e année, 60% la 3e année, etc.
🦔 Et après ?
Le fermage est très utilisé en France en 2022, et pourtant c’est un sujet complexe et riche d’informations que tout le monde ne maîtrise pas, y compris parmi ceux qui le pratiquent.
Fixer le montant d’un fermage pour une ferme, choisir le bon bail rural, voilà des questions qui reviennent souvent, et qui prennent du temps et de l’expertise à décortiquer.
Heureusement de nombreux acteurs de l’accompagnement peuvent vous aider à y voir plus clair. Même si vous vous faites accompagner, il est essentiel de bien comprendre les tenants et aboutissants de ce contrat qui sera au cœur de votre activité si vous reprenez une ferme en location. Comprendre un contrat que vous signez ainsi que ses clauses vous permettra de garder le contrôle sur la situation si un jour vous avez des complications dans votre bail ! C’est tout l’enjeu de l’autonomie en agriculture, comprendre comment fonctionnent votre tracteur, votre bail et le sol que vous foulez des pieds !
Sources :
Fiche bail rural - Entreprendre.Service-public
Infos avantages/contraintes, résiliation
Infos diverses sur le bail (FAQ droits et obligations…)
Infos bail rural environnemental
Comment calculer le fermage - propriété rurale
CEREMA - Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement