Simon Bestel

-

Mis à jour le

31/10/2024

Transmission

Comprendre l'estimation d'une ferme

L’estimation d’une ferme est une étape incontournable de la transmission d’une exploitation. A la suite d’un premier diagnostic, plusieurs approches sont possibles pour réaliser cette valorisation...

Simon Bestel

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31/10/2024

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Sommaire

Lors de votre recherche de ferme, vous allez en visiter plusieurs et passer en phase de négociation pour un certain nombre d’entre elles. Pour réussir cette phase, il est essentiel que vous ayez une bonne idée de la valeur d’une ferme et de la façon dont elle est estimée. En effet cela vous permettra de voir si une ferme est au prix juste et de négocier en fonction avec le cédant. De plus, cela permet de montrer que vous maîtriser le sujet et que vous vous êtes renseigné·e et donc que vous négociez en connaissance de cause.

L’estimation d’une ferme est une étape incontournable de la transmission d’une exploitation. A la suite d’un premier diagnostic, plusieurs approches sont possibles pour réaliser cette valorisation et chacune a ses spécificités, intérêts et défauts. Nous vous avons réuni les quatre points à comprendre sur l’estimation des fermes afin d’être plus efficaces dans vos recherches et négociations. 

Ensuite ce sera à vous de jouer !

Sommaire

1. Avant d’estimer une ferme : la pose de diagnostic

Pour comprendre l’estimation d’une ferme, il faut déjà comprendre ce qu’il se cache en amont. Quels sons les éléments qui rentrent en jeu dans la valorisation ? Avant l’estimation le cédant va poser un diagnostic, c’est ça qui va poser des bases pour l’estimation. Vous pouvez très bien demander au cédant de vous détailler certains éléments de ce diagnostic, cela vous permettra de vous assurer que l’estimation est faite sur des bases saines et objectives et que le cédant a une très bonne connaissance de son exploitation. 

Voici les questions que peuvent être amenés à se poser les cédants au moment du diagnostic : 

  • Quel est le périmètre de la vente ? Quels sont les terres, bâtiments, matériel, cheptel et tout type d’actif qui seront proposés à la vente, ainsi que ceux qui sont en vente si le repreneur le souhaite. Cette étape d’inventaire est fastidieuse mais indispensable. Il n’est en effet pas rare que les problèmes apparaissent aux dernières phases d’une vente, lorsque vendeur et acquéreur s’aperçoivent qu’ils n’avaient pas la même compréhension des actifs cédés !
  • Pour chacun des actifs identifiés, quel est leur état ? Pour les bâtiments sont-ils aux normes ? Y a-t-il eu des travaux récents ? Pour les terres, quelles sont les derniers amendements apportés, les dernières analyses de sol ?
  • Quels sont les circuits de vente, comment sont valorisés les produits, quels risques ou opportunités de développement sur le plan commercial ?
  • Dans le cadre d’une cession de société, la comptabilité est-elle bien à jour ? Y a-t-il des dettes/investissements dans d’autres structures (CUMA, coop…) ?

Conseil : Demandez les documents ! Cela permet de limiter les zones d’ombre et tout risque de litige. 

Vaches avec foin

2. Estimation de fermes : les méthodes de valorisation existantes

Une fois que les éléments du diagnostic sont rassemblés, l’estimation peut commencer. Plusieurs méthodes peuvent alors être utilisées. Souvent un tiers intervient pour valider l’estimation. L’objet des paragraphes qui suivent est d’aborder chacune des méthodes, de détailler leur fonctionnement afin de mieux comprendre les intérêts de chacune ainsi que leurs défauts. Il s’agit des méthodes 

  • de la valeur nette comptable, 
  • de la valeur patrimoniale et 
  • de la valeur économique. 

Estimation d’une exploitation agricole à partir de la Valeur Nette Comptable (VNC)

Cette évaluation comptable de la valeur de sa ferme peut être directement extraite du bilan comptable de l’exploitation agricole et concerne tous les actifs de l’exploitation (terres, bâtiments, cheptel, matériel, stocks, etc.). La valeur nette comptable est calculée de la manière suivante :

VNC = prix d’achat + coût des améliorations apportées - subventions d’investissement - amortissements - provisions

Son intérêt est limité pour déterminer un prix juste de vente parce qu’elle ne prend pas en compte le capital immatériel de l’entreprise (marque, circuits de distribution, process mis en place, réputation, etc.) et la valeur résiduelle des actifs amortis. Elle permet toutefois de connaître le prix minimum des actifs en dessous duquel le cédant supporterait une moins value par rapport aux investissements effectués (vente à perte).

Note : pour les terres nues, le calcul est beaucoup plus direct puisque celles-ci ne sont pas amortissables. Ainsi, hors améliorations (drainage, irrigation, clôtures, plantations, etc.) la VNC des terres est égale à leur valeur d’achat.

Estimation d’une ferme à partir de la Valeur Patrimoniale (VP)

La valeur patrimoniale d’un bien est en fait sa valeur vénale, c’est-à-dire la valeur que ce bien a effectivement sur le marché. Sa détermination est complexe, puisqu’il s’agit d’une part de bien connaître les biens à vendre mais aussi de connaître les autres biens vendus sur le marché local afin d’effectuer les bonnes comparaisons.

Valeur patrimoniale des terres

La première référence à prendre en compte est celle du prix de vente des terres. Plusieurs sources d’information possibles : les SAFER et leur plateforme le-prix-des-terres.fr, un outil de terre-net.

De multiples facteurs peuvent impacter ce prix de référence à la hausse ou à la baisse, par exemple :

  • la qualité intrinsèque des terres (rendement, facilité de travail, etc.) ;
  • les améliorations apportées (drainage, irrigation, clôtures, conversion en bio, etc.) ;
  • leur topographie et l’accessibilité ;
  • le fait qu’elles soient ou non groupées et leur distance à l’exploitation.

Valeur patrimoniale des bâtiments agricoles

L’évaluation des bâtiments agricoles est sans doute la plus difficile. Il n’y a en effet pas de base de comparable facilement accessible, il faut donc en général recourir à un expert pour effectuer une valorisation patrimoniale cohérente. Il existe toutefois une méthodologie standardisée d’évaluation qui permet une première approche de cette valeur.

Le principe est le suivant : on considère qu’un bâtiment agricole perd environ 4% de sa valeur par an (vétusté). On ajoute à cela une perte de valeur en fonction de l’état réel du bâtiment et de sa conformité par rapport aux pratiques actuelles (un bâtiment ancien étant souvent moins bien adapté aux nouveaux usages). Ce facteur appelé Utilité Agricole a une valeur généralement comprise entre 0,7 (bâtiment mal adapté et ou en mauvais état) et 1 (bâtiment parfaitement adapté et en bon état).

VP = prix d’achat * 0,96 ^ (âge du bâtiment) * (0,7 à 1)

Valeur patrimoniale de la maison d’habitation

Pour les maisons d’habitation, les bases de comparaison sont nombreuses. Il suffit de se rendre dans une agence immobilière pour avoir une idée générale du marché, ou consulter des sites tels que seloger.com ou meilleurs agents, qui mettent à disposition des cartographies avec le prix des dernières transactions sur la commune.

Une habitation est en général évaluée sur la base de sa surface habitable, multipliée par un prix au m², qui dépend du prix moyen des transactions locales, de la qualité et de l’état de la construction, et d’éventuels bonus et malus liés à son environnement, son intérêt patrimonial (maison de maître), la présence de dépendances, etc. Là encore il peut être utile de se faire accompagner d’un spécialiste pour en déterminer le juste prix.

Note : d’une manière générale, une maison d’habitation sur une ferme subira toujours une décote par rapport à un bien équivalent “indépendant”. En effet, une maison sur une ferme présente certaines contraintes : partage des accès, des réseaux d’eau et d’électricité, nuisances dues aux bâtiments agricoles plus ou moins proches, etc. On peut considérer en moyenne une décote de 20% pour un tel bien par rapport à un bien comparable sur le marché local.

Estimation d’une ferme à partir de sa Valeur Economique (VE)

L’approche de valorisation d'une ferme à partir de la valeur économique est très différente des deux premières. Ici, le but est de se placer du côté du porteur ou de la porteuse de projet et de valoriser la ferme par rapport aux revenus que celle-ci va lui permettre de dégager. 


L’indicateur communément utilisé est l’EBE (Excédent Brut d’Exploitation) que l’on ajuste en déduisant les revenus de l’exploitant, et en y ajoutant tout travail non rémunéré (main-d’œuvre familiale en particulier) et d’éventuels avantages en nature (par exemple une habitation). Ce nouvel indicateur est généralement appelé EBE corrigé, ou EBEc.

Afin de rendre cet EBEc plus fiable, il est en général moyenné sur les 5 dernières années, en excluant la meilleure et la moins bonne (moyenne des 3 années “intermédiaires”). L’EBEc est ensuite cumulé sur une durée “infinie”, avec un taux d’actualisation TA représentant à la fois le risque sur la pérennité dans le temps de cet EBEc et le rendement attendu pour un investissement dans ce secteur. Ce taux est souvent très faible en agriculture (aux alentours de 5%) mais peut monter à 10, 20 ou 30% dans des secteurs plus rentables ou plus risqués. Le TA dépend également des conditions du marché : taux d’inflation, taux d’intérêt, etc., il convient donc de se faire accompagner par un professionnel pour le déterminer de manière adéquate.

La formule est très simple :
VE = EBEc / TA – dettes à rembourser

Bilan de ces différentes méthodes pour estimer sa ferme

Les différentes méthodes d’estimation de la valeur d'une exploitation agricole donnent des résultats assez différents selon les situations. On peut exclure la méthode comptable dont le résultat n’est souvent pas pertinent. Restent les méthodes patrimoniales et économiques qui du fait de leur logique de calcul très différente donnent des résultats potentiellement assez éloignés. Une méthode de réconciliation très utilisée et de faire la moyenne arithmétique de ces résultats. Ainsi :

Valeur finale = ⅓ VNC + ⅓ VP + ⅓ VE

Il faudra ensuite ajouter à ce résultat une éventuelle trésorerie excédentaire (au-delà du besoin en fonds de roulement) et retrancher les dettes éventuellement reprises.

Bâti avec tracteur

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4. Qui peut effectuer une estimation d’une ferme ou d’une exploitation agricole ?

Les principaux acteurs capables d’effectuer une évaluation foncière d’une ferme sont la SAFER, certains conseillers et conseillères des chambres d’agriculture ou de centres de gestion ou des experts privés comme certaines agences immobilières, des notaires ayant une activité spécifique agricole ou des experts fonciers dont le métier est de déterminer le prix d’une ferme. Il est d’ailleurs possible de trouver la liste officielle des experts fonciers et agricoles sur le site suivant : https://cnefaf.fr/trouver-un-expert-liste-officielle/.

Pour ce qui concerne l’évaluation du reste de l’exploitation : cheptel, matériel, équipement ou plus généralement les parts sociales d’entreprises agricoles qui contiennent également une part d’actifs immatériels ou des outils industriels (transformation par exemple), ce ne sont pas forcément les mêmes acteurs que sur le foncier qui vont rentrer en jeu : des conseillers de la chambre d’agriculture ou des négociants peuvent vous aider à les valoriser, CerFrance peut également jouer ce rôle.

Il existe également des observatoires des prix permettant de déterminer le bon prix des matériels, équipements et cheptels comme le proposent agriaffaires ou terre-net-occasions. D’autres sites de vente de matériel d’occasion permettent de se faire une bonne idée de la valeur du matériel comme Mascus ou Europe-agri.

Photos de ferme

5. Quelle est la durée de validité de cette estimation ?

Il est communément admis que l’estimation est valide entre 1 et 2 ans dans la mesure où la valeur du foncier n’augmente ou ne baisse en général pas de manière très rapide et que l’usure des bâtiments est également relativement lente. Dans tous les cas une évaluation n’est qu’une indication du prix potentiellement acceptable pour un repreneur mais elle est toujours un peu subjective et souvent ouverte à la négociation. Elle permet toutefois d’avoir un point d’ancrage indépendant auquel se fier.

Ovins dans la ferme
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