Transmettre sa ferme ne se décide évidemment pas du jour au lendemain. Elle demande beaucoup de préparation et doit cocher de nombreuses cases administratives. Lorsque le repreneur ou la repreneuse est connu longtemps à l’avance, c’est “juste” une suite de démarches à effectuer. C’est plus complexe lorsque les repreneurs ne sont pas identifiés suffisamment tôt. Dans cet article nous avons voulu vous donner une idée des étapes à suivre pour transmettre sa ferme.
- Afin qu’elle se fasse dans les meilleures conditions, il vous faudra anticiper et vous y prendre en moyenne 10 ans avant pour commencer à réfléchir à votre transmission de ferme.
- Pour réussir à transmettre sa ferme, il est important d’avoir bien en tête les différents acteurs qui interviennent dans les démarches ainsi que ceux qui peuvent vous accompagner et à quel moment les solliciter.
- Enfin, l’essentiel est d’identifier les étapes clés et connaître les délais et prérequis pour chacune d’elles.
1- Quand lancer le processus pour transmettre sa ferme ?
Toute transmission se prépare, il est donc important de savoir anticiper son départ à la retraite pour s’assurer que celle-ci se déroule dans les meilleures conditions possibles. Les organismes d’accompagnement à la transmission suggèrent de commencer à réfléchir la transmission 10 ans avant la date effective de retraite.
Réfléchir… Oui ! Mais à quoi ? Quelles questions se poser lorsqu’on envisage de céder sa ferme ?
“Où est-ce que je souhaite habiter pour ma retraite ? Avec quels revenus ? Dans combien de temps est-ce que je souhaite céder ma ferme ? À qui ? À quel prix est-ce que je veux et peux valoriser ma ferme ? Comment anticiper mon départ et quelle forme de cession mettre en place ? …”
Autant de questions qui recoupent les sphères personnelles, financières et pratico-pratiques de la transmission. Alors par où commencer et dans quel ordre traiter ces questions ?
Pour y voir plus clair, nous proposons trois grands thèmes de questionnements à se poser pour anticiper et transmettre sa ferme sereinement.
Transmettre ma ferme : quels sont vos besoins et attentes ?
Cette période de la transmission est celle du questionnement afin de mettre au clair son positionnement. Beaucoup de ces questions sont potentiellement sans réponses évidentes ou directes, mais leur laisser de l’espace c’est vous permettre d’y apporter peu-à-peu des éléments de réponse. Quelle est votre situation personnelle ? À quel moment souhaitez vous transmettre votre ferme ? Quelle est votre vision de la ferme sur le long terme ? Si vous êtes plusieurs, est-ce que vous arrivez à vous mettre d’accord sur vos envies pour transmettre votre ferme ?
Une des premières étapes qui contribue à apporter réponses à ces questionnements est d’étudier ses droits à la retraite et d’estimer la date de départ à la retraite avec la MSA. Cela conditionnera pour beaucoup les besoins et attentes issus de la transmission de la ferme.
Certains cédants peuvent avoir tendance à surévaluer et d’autres à sous-estimer la capacité de transmission de leur ferme (outil de production ancien, bâtiments en mauvais état..). Il est primordial de se faire conseiller pour évaluer la réelle valeur de sa ferme. Pour cela, les acteurs de l’accompagnement à la transmission (Chambre d’agriculture, Safer, Adear..) ont les compétences pour réaliser un diagnostic objectif de la ferme et apporter une meilleure visibilité sur les démarches à suivre pour aboutir à une transmission. Nous vous avons aussi concocté un guide pour savoir comment estimer sa ferme.
Une règle d’or à la transmission : si le désir de transmettre est présent, toute ferme trouvera repreneur tant qu’il y a anticipation !
Cette réflexion initiée dans les 5-10 ans en amont de la transmission permet aux agriculteur·rices de commencer à se projeter dans la phase de transmission, de définir une date de cession et de réfléchir aux moyens à mettre en œuvre pour préparer au mieux leur départ et la reprise de la ferme.
Transmettre ma ferme : quel est le potentiel transmissible de la ferme ?
Le deuxième thème à aborder pour anticiper la transmission concerne le maintien du potentiel transmissible de la ferme. Une ferme se transmet sur plusieurs années, et ce n’est pas la veille pour le lendemain qu’on réalise qu’on souhaite transmettre la ferme alors que les bâtiments agricoles sont en mauvais état et les démarches administratives pour la construction de nouveaux bâtiments pas amorcés.
Transmettre c’est aussi entretenir sa ferme et réaliser les aménagements nécessaires pour mettre toutes les chances de son côté que la ferme plaise et soit fonctionnelle pour le·a repreneur·se.
Les aménagements à prévoir peuvent être identifiés suite aux diagnostics réalisés par les structures d’accompagnement à la transmission. Il est bien évidemment plus aisé pour le cédant de réunir les conditions pour s’assurer d’une bonne reprise lorsque le repreneur et les ateliers de production souhaités sur site sont bien définis.
Transmettre ma ferme : quel repreneur ou repreneuse ?
Finalement le troisième grand point qui conditionne la transmission est la question du repreneur ou de la repreneuse.
Suivant le postulat de transmission, une des étapes clé consiste à savoir “à qui transmettre”. Il est important que l’agriculteur·rice qui souhaite céder commence à sonder son entourage dès que son désir de transmission est présent pour identifier s’il existe déjà un repreneur potentiel au sein de sa famille ou de ses connaissances.
Si aucune personne de son entourage ne souhaite reprendre, il faut prendre son mal en patience et continuer à mettre en œuvre la communication nécessaire (aide possible des structures d’accompagnement à la transmission) pour trouver le repreneur idéal. C’est un travail de longue haleine qui peut n’aboutir que quelques années avant la date effective de la retraite.
C’est aussi un sujet où interviennent énormément d’enjeux pour les deux parties, ce qui peut le rendre difficile. Quelques clés pour faciliter la relation entre cédant et repreneur seront exposés plus en détail dans un autre article. Parmi ces éléments nous retrouverons une question centrale autour de la posture des deux parties face à la transmission/installation sur la ferme.
2. Quels sont les acteurs à contacter pour transmettre sa ferme ?
Les acteurs institutionnels (SAFER, RDI, ADEAR, notaires, MSA)
Il existe un certain nombre d’acteurs qui sensibilisent les cédants à la transmission de leur ferme. Nous avons listé ci-dessous les quelques acteurs clés à solliciter pour réussir à transmettre sa ferme :
La MSA : lorsque la décision de transmettre son exploitation agricole est prise, il est conseillé de se tourner vers la MSA pour mesurer ses droits de retraite, ses droits sociaux et prévenir de la fin de l’activité.
- Les conseillers de la MSA aident les cédants à mieux se projeter sur une date de transmission optimale. Ils mesurent pour cela si la carrière du cédant est bien complète et assistent les agriculteur·rices sur le calcul de leur retraite.
- 4 ans avant que l’agriculteur·ice atteigne l’âge pour bénéficier de la retraite, la MSA lui fait parvenir le formulaire de déclaration d’intention de cessation d’activité (DICAA). Ce formulaire est obligatoire pour signaler d’une intention de cesser l’activité, et il est à renvoyer à la chambre d’agriculture au plus tard 36 mois avant le départ à la retraite.
- Finalement, la MSA a aussi un rôle à jouer dans la valorisation de l’exploitation. Le service Prévention des Risques Professionnels de la MSA peut être sollicité pour effectuer un diagnostic de l’exploitation. Cela permet de mieux planifier les investissements de fin de carrière à mobiliser pour faciliter la transmission.
La SAFER : est un interlocuteur qui accompagne tant sur l’estimation de la ferme que sur la transmission du foncier et du bâti en tant que tel.
- Lorsque vous avez un projet de transmission, vous pouvez contacter un conseiller SAFER pour qu’il visite et évalue votre exploitation en se référant à un observatoire du marché foncier rural. Suite à cette visite il est du ressort du cédant de décider s’il souhaite poursuivre avec la SAFER pour la vente de son bien. Sont discutés à cette étape, les conditions de la vente, cela comprend le délai de vente, le prix et les modalités de paiement.
- La SAFER met ensuite en œuvre un plan de communication sur l’exploitation à transmettre via différents canaux (journaux locaux, site internet propriétés rurales…) dans l’objectif de trouver des repreneurs.
- Finalement la SAFER a un rôle de sélection des candidats à l’installation sur la ferme. Lorsqu’une ferme reçoit les projets de reprise, un comité technique est constitué pour choisir l’acheteur final. Ce comité est composé d’une diversité de représentants : il comprend des organismes agricoles (telles que les chambres d’agriculture, les syndicats agricoles représentatifs, les banques et assurances agricoles, etc.), des collectivités territoriales, d’un représentant étatique – souvent le directeur départemental de l’agriculture et le service des domaines – et il arrive dans certaines régions que soit mobilisé le conseil régional, des associations de protection de l’environnement ou encore des notaires.
Ce comité émet des avis sur les différents projets de reprise présentés qui permettent de déterminer le candidat dont le projet est le plus viable économiquement et techniquement et cohérent avec le tissu local ainsi que les politiques d’aménagement et de développement locaux.
La décision du repreneur final revient au conseil d’administration de la SAFER régionale après consultation des retours du comité technique et d’un accord des représentants des ministères de l’agriculture et des finances.
La Chambre d’Agriculture : elle a un rôle d’accompagnement des agriculteur·ices installés et des porteur·ses de projet aux sujets de la transmission/installation. Pour cela, la chambre d’agriculture est un acteur clé lorsqu’on réfléchit à transmettre sa ferme. À travers différents services la chambre d’agriculture accompagne les agriculteur·ices :
- Tout agriculteur·ice peut se rapprocher du service transmission de la chambre d’agriculture de son département pour solliciter un accompagnement dans le cadre d’une transmission future.
Pour cela, la chambre d’agriculture propose une visite gratuite de l’exploitation durant laquelle le conseiller recueille des informations sur l’état de la ferme et ses débouchés commerciaux, cela permet de faire un premier diagnostic du potentiel de l’exploitation. Le conseiller va aussi clarifier au cédant les différentes étapes du projet de transmission, envisager les scénarii de transmission possibles et proposer si le cédant le souhaite un accompagnement personnalisé pour mettre en œuvre la transmission. - Le Répertoire Départ Installation est un outil mis en place par le gouvernement et géré au niveau départemental par les chambres d’agriculture. Il est animé par les conseillers transmission des chambres d’agriculture dans le cadre de leur mission de service public. Cet outil vise à faciliter la transmission des exploitations agricoles ainsi que la recherche d’associés.
- La première étape qui est proposée est de clarifier quelle est l’offre d’exploitation ou d’association de l’agriculteur·ice en question. Pour cela le conseiller RDI va aider à clarifier les informations pour la rédaction de l’offre : en plus des informations descriptives de la ferme, questionner sur la date et le mode de cession espéré, et/ou le rôle et le profil de l’associé recherché.
- Le RDI est muni d’une plateforme sur laquelle est diffusée l’offre de transmission/recherche d’associé, sous validation de l’agriculteur·ice. Cette plateforme permet la mise en relation de porteur·ses de projet cherchant des exploitations sur lesquelles s’installer avec les agriculteur·ices en activité.
Le RDI est un outil de mise en relation, mais il ne peut substituer à une démarche plus générale de transmission de son exploitation accompagné·e d’autres acteurs de la transmission de son territoire.
L’ADEAR : cet organisme occupe également un rôle d’accompagnement dans la transmission/installation auprès des agriculteur·ices et des porteur·ses de projet. En fonction des départements, les ADEAR sont équipées à traiter les sujets de transmission. Ils interviennent de deux manières différentes :
- Par un accompagnement individuel du cédant tout au long du parcours de transmission. Les conseillers et conseillères de l’ADEAR interviennent sur la réflexion du projet de transmission, ils peuvent aussi aider à la diffusion d’une annonce de la ferme dans leur rubrique spécialisée, et aider à la recherche d’un·e repreneur·se et le cas échéant accompagner la transmission/installation entre cédant et repreneur.
Ensuite, l’ADEAR anime des temps collectifs de formation et de rencontre qui visent à sensibiliser sur les différentes facettes de la transmission (humaines, juridiques, sociales, économiques) , et permettre aux cédants et porteur·ses de projet d’échanger autour d’un moment convivial dédié à ces discussions.
Le notaire : c’est un acteur incontournable de la transmission/installation.
- Ils interviennent directement sur le volet de la vente, en gérant la transaction du bien. Cela concerne souvent la vente de biens immobiliers (les terres, les bâtiments agricoles, la maison d’habitation..) et occasionnellement la vente de biens mobiliers (matériel, cheptel, le stock, les DPB, les parts sociales..).
- Les notaires sont aussi là pour conseiller les cédant·es sur les bonnes conditions juridiques et fiscales de leur transmission. Cela concerne le cas du calcul de la retraite, des montants fiscaux, du respect des règles successorales ou encore de la cession des baux.
- À noter, veillez à convenir des frais de transaction de notaire en amont, vous pourriez être surpris !
Les nouveaux acteurs pour transmettre sa ferme
À ces acteurs de l’installation traditionnels s’ajoutent également des nouveaux acteurs qui viennent faciliter le processus de transmission/installation.
FEVE (Fermes en ViE) : agit directement sur la transmission / installation, en se portant acheteur de la ferme et en facilitant la recherche de porteur·ses de projet adaptés. Grâce à sa foncière solidaire, FEVE collecte l’épargne citoyenne qui lui permet d’acheter des fermes et les mettre en location avec option d’achat pour le développement de projets agroécologiques.
Cet outil est déployé pour des fermes dites moyennes, entre 20-200 ha. Concrètement, FEVE mène un diagnostic de la ferme afin de définir sa capacité à être financée et suite à validation, FEVE aide à identifier le repreneur idéal et assure un suivi jusqu’à la transmission de la ferme et 3 ans durant, pour viabiliser le projet d’installation.
Eloi : est un acteur qui aide à préparer la transmission de l’exploitation, en proposant des services de marketing et de mise en relation avec des porteur·ses de projet adaptés. Ils agissent également dans l’accompagnement à la transmission, sur des aspects de négociation, de rédaction du protocole d’accord ainsi que sur les processus SAFER et de notaire.
3. Transmettre sa ferme : quelle démarche suivre ?
La transmission n’est pas un processus fixe et linéaire, de nombreuses variantes existent, en fonction de la situation de chaque agriculteur. Nous avons évoqué en première partie la nécessité d’anticiper sa transmission. Afin de clarifier le parcours complet de transmission nous proposons une frise retraçant les démarches clés. Cette frise entend retracer les actions principales de la transmission sur un pas de temps de 10 ans. Ceci dit, notez que chaque transmission revêt son propre schéma, il est ainsi probable que votre transmission ne suive pas à la lettre le déroulement de cette frise.
Quelques précisions sur certaines des étapes de la transmission :
S’informer sur le parcours de transmission peut se réaliser auprès des organismes d’accompagnement du territoire. Des points accueil transmission se retrouvent dans de nombreux départements du territoire national. Leur mission est précisément celle d’apporter des données, outils et acteurs d’accompagnement référents sur chacune des étapes clés présentes sur la frise.
Pour réaliser un diagnostic de son exploitation et définir son offre de transmission, le cédant peut décider de se faire accompagner par les structures du territoire, tels que la Chambre d’agriculture ou l’Adear.
Ces acteurs peuvent aider le cédant à construire un dossier de présentation de l’exploitation. En regroupant les informations clés de la ferme dans un dossier, cela permet aux cédants un vrai gain de temps sur les démarches administratives. Ce dossier permet aussi aux parties prenantes de mieux évaluer quels sont les points forts et les contraintes de la structure afin de conseiller au mieux le cédant sur la suite des procédures à suivre pour faciliter la transmission.
C’est à ce stade que le cédant peut élaborer différents scenarii de reprise (partielle ou totale, avec de nouveaux ateliers agricoles etc).
Quatre ans précédant la cessation d’activité, il est conseillé de se pencher sur les démarches préparatoires à la transmission du foncier. Entre 3 et 4 ans précédant la transmission : le cédant doit faire parvenir à la chambre d’agriculture la déclaration d’intention de cessation d’activité (DICAA).
C’est aussi à cette période que l’agriculteur, s’il n’a pas encore de repreneur d’identifié, peut faire appel aux outils et réseaux des différents organismes d’accompagnement pour communiquer sur son offre.
À 2 – 3 ans de la transmission, le cédant s’attelle à offrir une estimation la plus juste possible du prix de reprise. Cela permet aux porteurs de projet souhaitant reprendre la ferme de pouvoir se positionner. La SAFER, la Chambre d’agriculture ou encore l’Adear peuvent aider dans l’estimation de la ferme.
Finalement, arrive un stade de la transmission où la·e repeneur·se est identifiée et où il est nécessaire de clarifier les tenants et aboutissants de cette transmission. La lettre d’intention peut être un moyen efficace pour cadrer le périmètre de la vente et des engagements de chaque partie. Cette lettre d’intention peut être rédigée par l’organisme qui accompagne la transmission (chambre d’agriculture, centre de gestion..).
La signature de cette lettre d’intention par les deux parties – cédant et repreneur clarifie leur entente sur les conditions de la transmission/reprise, et ouvre la voie aux démarches administratives finales.
À quelques mois de la transmission effective, le cédant a un certain nombre de démarches administratives auprès d’acteurs référents à gérer.
À ne pas manquer : effectuer la demande de retraite à la MSA a minima 5 mois avant la date de retraite effective. Ce délai peut paraître précoce, mais il est nécessaire pour éviter toute interruption de paiement entre le salaire et la retraite. Pour cela, il suffit de remplir l’imprimé de demande de retraite. A noter qu’une seule demande de retraite est nécessaire, même si le cédant a eu d’autres activités ne relevant pas du régime agricole (MSA) au cours de sa vie.
Les clauses de transfert : actes de vente, les baux, les cessations mobilières, les transferts de primes et DPB doivent être réalisées auprès du notaire et de la DDTM.
Afin de finaliser la transmission, il est demandé de signaler à la MSA toute modification éventuelle du parcellaire d’exploitation. Pour cela il suffit de renseigner le bulletin de mutation des terres. Pour toutes modifications qui impliquent de modifier le nom du propriétaire de la parcelle, il est conseillé de s’adresser directement aux services du cadastre. Les délais de mutation des terres peuvent être longs, renseignez-vous auprès des services compétents si vous avez des contraintes de temps.
Finalement, une des dernières étapes de la transmission est de bien penser à envoyer le dossier d’arrêt d’activité de production agricole au centre de formalités des entreprises (CFE). Ce centre est chargé de transmettre les déclarations traitées aux organismes partenaires : MSA, Centre des Impôts, INSEE.