1. Élever des poules pondeuses, à quoi s’attendre ?
S’il est très fréquent lorsque l’on habite à la campagne d’avoir quelques poules pondeuses dans son jardin, en gérer moins d’une dizaine n’a rien à voir avec avoir un atelier de poules pondeuses sur sa ferme. C’est un rythme particulier, une réglementation spécifique à respecter, une ration alimentaire à maîtriser et un circuit de commercialisation à mettre en place. C’est ce que nous allons vous exposer dans cette partie.
Les poules pondeuses : un très bon atelier de diversification
Les avis sur le sujet sont assez unanimes, l’atelier poules pondeuses est un très bon atelier de diversification.
Benjamin Frezel de la Ferme de Trévero émet un léger bémol sur le sujet : “Il faut savoir dans quoi l’on s’engage, l’élevage de poules pondeuses est une activité qui demande de la rigueur, de la précision et du savoir-faire, surtout au-delà de 250 poules.” Il a raison : il ne faut pas se lancer sans un minimum de formation et de préparation, ne serait-ce que parce que l’on prend en charge des êtres vivants !
Qu’est-ce qui rend cet atelier si intéressant :
- L’œuf est un produit d’appel qui complète très bien une autre production agricole, il y a une forte demande des clients qui reste stable dans l’année. C’est un produit de base qui est toujours demandé : il pourra vous apporter des clients qui achèteront ensuite vos autres produits ;
L’apport de revenu est quasi garanti et immédiat : dans le cas où une race à forte productivité a été choisie, la poule pond un œuf tous les jours ou presque dès qu’elle a atteint le statut “prête à pondre” ; - “La poule est un levier de trésorerie. Si tu es bon en vente tu as l’argent qui rentre tout le temps” Claire de la Ferme des GonneGirls
- L’atelier poules pondeuses peut facilement avoir une rentabilité moyenne voire élevée si bien gérée ;
- Élever des poules pondeuses est peu chronophage. En moyenne sur les 9 fermes visitées par le trio de l’EAV on a 7h/semaine pour les ateliers de moins de 250 poules et 18 h/semaine pour les ateliers entre 250 et 1500 poules. L’élevage de poules prend “des petits moments tout au long de la journée et tous les jours;
- Il y a une vraie complémentarité avec les ateliers végétaux d’une ferme (maraîchage, arboriculture ou céréales) : les poules apportent un gain de fertilité indirect (via le fumier) ou direct (via le pâturage) et permettent la régénération des sols ou l’apport en engrais. C’est aussi un atelier qui peut permettre d’utiliser des co-produits de cultures (la paille, le tourteau de colza, etc.).
Le diptyque très souvent retrouvé est celui maraîchage/poules pondeuses, c’est le cas de La Ferme des Filles et de la Ferme des Clos avec moins de 250 poules, mais aussi de La Ferme des GonneGirls avec plus de 600 poules.
Le rythme sur une journée et une saison d’un atelier poules pondeuses en poulailler mobile
Plusieurs choses à savoir sur la poule pondeuse :
- c’est un animal casanier, à partir du moment où le soleil se couche la poule souhaite, à l’abri dans son poulailler ;
- c’est aussi un animal grégaire qui est fait pour vivre en groupe et n’aime pas être seul ;
- c’est un animal perché, elle ne dort pas par terre mais sur des perchoirs ;
- c’est un animal néophobe qui supporte mal la nouveauté (que ce soit de nouvelles poulettes dans le groupe ou une nouvelle alimentation).
Si la poule pondeuse est assez indépendante ça n’en reste pas moins un être vivant qui a des besoins quotidiens d’attention. Certains rituels sont donc inévitables :
- l’ouverture du poulailler le matin et la fermeture le soir (vous pouvez opter pour des ouvertures et fermetures automatiques pour vous faciliter la vie) ;
- l’apport quotidien en alimentation et en eau fraîche (il est possible de créer une réserve d’eau et de nourriture sur le poulailler, comme à la Ferme des Champs de Bray) ;
- la récolte et le conditionnement des œufs (laver les œufs est interdit en France : cela augmente la porosité de la coquille et provoque des risques de salmonelle, il faut donc éviter à tout prix qu’ils soient souillés par les poules).
Pour la santé de l’animal il est très important que vos poules vivent et circulent dans un environnement propre, sec et aéré :
- Les abreuvoirs et réceptacles de nourritures doivent être nettoyés toutes les semaines ainsi que les nids ;
- La paille des nids ou du poulailler doit être renouvelée dès qu’elle est trop souillée et/ou humide ;
- Un nettoyage de fond en comble du poulailler doit être fait tous les mois environs.
Les poules ont elle aussi une saisonnalité : elles pondent toute l’année mais une nette chute de la ponte est en général visible l’hiver due à la diminution de l’ensoleillement et aux températures plus basses. La chute peut être amoindrie en installant un système d’éclairage dans le poulailler (pas plus de 16h par jour dans la réglementation bio, privilégiez un éclairage le matin pour laisser une fin de journée naturelle) ou alors en isolant davantage le poulailler. Certaines fermes, comme c’est le cas de Claire et Gaëlle de La Ferme des GonneGirls, qui ont un atelier en poulaillers mobiles, place leurs poules dans les serres l’hiver afin qu’elles soient au chaud et qu’elles aient un meilleur taux de ponte.
Enfin une des choses les plus importantes à garder en tête lorsque l’on travaille avec le vivant (que ce soit des plantes ou des animaux) est l’observation ! Soyez attentif·ves à l’état de vos poules, à leurs comportements et à leur évolution.
Vérifiez régulièrement leur état de santé en inspectant les plumes, la crête, les yeux, le bec, le jabot, leur cloaque et leurs pattes. Ayez l’œil aussi sur d’autres détails : la qualité des œufs pondus (la dureté des coquilles par exemple), l’aspect de leurs fientes, leur appétence à se nourrir et leur comportement au sein du groupe. Si une poule vous semble dans un état de santé plutôt faible, isolez-la ! Les poules tendent à s’en prendre aux poules blessées, mourantes et affaiblies… Ce qui en général n’arrange pas leur cas !
“Soyez très attentifs à l’apparence de vos poules, elles doivent être belles à regarder, une erreur se répercute très vite sur la ponte, et chaque pourcent compte vu que votre charge horaire ne changera pas mais votre bénéfice oui.”
Matthieu Gooskens du GAEC de Coume Sourde
À ces tâches se rajoutent les tâches ponctuelles d’entretien des poulaillers mais aussi de gestion des lots de poule lorsqu’ils sont renouvelés (tous les ans environ). Il vous faudra alors respecter un vide sanitaire entre les deux lots, il est préférable d’avoir deux poulaillers pour éviter un arrêt de production.
En cas de poulaillers mobiles, prévoyez également les temps de déplacement des poulaillers (toutes les semaines ou tous les mois selon la taille des parcelles, le nombre de poules et l’état de la prairie) et de gestion des pâturages.
Quelles normes et réglementations pour les poules pondeuses ?
La réglementation spécifique au bio
Voici les éléments de la réglementation concernant l’élevage bio de poules pondeuses :
- Surface intérieure nette : 6 poules/m2 ;
- 18 cm de perchoir par poule ;
- Pondoir : 7 poules/nid ou 120 cm2/poules (nids collectifs) ;
- Au moins ⅓ de la surface au sol qui ne soit ni des grilles, ni du caillebotis ;
- Un minimum de 2,5m2 par poule de surface disponible à l’extérieur en poulaillers mobiles.
“La réglementation n’est aujourd’hui pas adaptée à un système mobile, de petit élevage agroécologique. Si la surface par poule est respectée dans la réglementation actuelle, cela nécessite un poulailler grand et lourd, plus difficile à déplacer. Les contrôleur·ses sont donc parfois tolérant·es si la surface par poule n’est pas respectée dans le poulailler puisque les poules y passent juste la nuit et le temps de ponte. Aujourd’hui, plusieurs éleveurs et éleveuses ont créé une relation de confiance avec leur organisme certificateur. Cette relation permettra, nous l’espérons, avec l’aide de l’AFPM, de faire évoluer la réglementation”
Opaline Lyziak des Agron’hommes
La limite des 250 poules
La réglementation sanitaire dépend de la taille de l’élevage et de la commercialisation choisie. Quelle que soit la taille, tout élevage doit faire l’objet d’une déclaration auprès de la DDPP (Direction Départementale de la Protection des Populations) et obtenir un numéro d’élevage. Ce numéro doit apparaître sur les œufs (marquage au tampon encreur) sauf en cas de vente directement au consommateur dans un rayon de moins de 80km (marchés, livraison à domicile, vente à la ferme, etc.)
Au-delà de 250 poules ou si l’on commercialise les œufs via un intermédiaire il est obligatoire de passer par un CEO (Centre d’Emballage des Oeufs) qui soit agréé. C’est possible de créer son propre CEO sur la ferme (le dossier d’agrément est à déposer à la DDPP). Il faut également effectuer un dépistage à la salmonelle toutes les 15 semaines.
Les œufs sont dits « extra-frais » entre 1 et 9 jours, « frais » entre 9 et 21 jours. La date limite de vente au consommateur est de 21 jours, la date limite de consommation est de 28 jours.
Bien choisir ses poules pondeuses et les alimenter
Les différentes races
La poule est un animal grégaire et social. Il lui faut un troupeau et dans le groupe s’établira en général une hiérarchie spécifique.
En général, les poules pondeuses sont acquises au stade de poulette “prêtes à pondre”, à 16-18 semaines. Une acclimatation d’au moins deux semaines est nécessaire, durant laquelle elles restent dans le bâtiment, sans accès au parcours extérieur. Cette période doit aussi être utilisée pour « éduquer » les poules à pondre dans les nids. La production prend son régime de croisière à 24 semaines.
Cet achat au stade de poulette réduit donc le nombre de races disponibles en bio. Si vous voulez des races rustiques ou travailler des croisements pour avoir des races rustiques un peu plus productives, il vous faudra sûrement développer votre propre poussinière, c’est le projet de la Ferme de Trévero et c’est déjà ce que fait la Ferme de la Brosse.
Les poules plus souvent trouvées sur les ateliers de poules pondeuses sont les poules rousses (Lhoman ou Isa Brown. Ce sont des poules sociables avec un excellent taux de ponte (82% en moyenne). Elles sont cependant peu adaptées au pâturage. Comme dit Benjamin de Trévero : “une poule pondeuse d’élevage intensif c’est une Formule 1, tu ne peux pas la faire rouler sur une route de campagne.” donc tout changement dans leurs habitudes (surtout qu’elles ont passé 16 semaines dans un environnement en bâtiment) perturbe grandement le taux de ponte. Les poulettes rousses coûtent entre 8 et 10 € pièce d’après la Ferme de Marcillac (24).
En parallèle, on trouve les races rustiques comme la Géline de Tourraine (vue à la Ferme de la Brosse) ou la Gournay qui ont des taux de ponte plus faible (60%) mais qui sont plus résistantes et adaptées au pâturage. Elles peuvent aussi être utilisées en poulet de chair.
Ainsi, à la Ferme de la Brosse, les poussins sont achetés à 1 jour pour 2 € pièce : les mâles sont élevés pour faire des poulets de chair et les femelles pour faire des poules pondeuses. Les poules passent en moyenne 2 ans et demi sur la ferme.
L’alimentation
Rappelons que la poule est néophobe, une fois qu’elle est habituée à un type d’alimentation spécifique : composition et format, elle s’adaptera difficilement à un changement et cela se reflétera sur le taux de ponte. Si vous avez une poussinière il sera plus facile pour vous de les habituer à une alimentation particulière. C’est un omnivore opportuniste : elle s’adapte à son environnement et peut consommer grains, viande et herbe. Pour pouvoir fabriquer un œuf, elle a des besoins en protéines importants. C’est également un animal à qui ont demandé un effort constant et particulier (une poule “au naturel” ne pond pas tous les jours), il est donc important de lui fournir l’alimentation qui réponde à ses besoins nutritionnels.
Voici les éléments à prendre en compte pour l’alimentation de la poule :
- 130g de grains par jour par poule (souvent laissé à volonté) ;
- Un mélange équilibré pour poules pondeuses est constitué d’environ 70% de céréales et 30% de légumineuses (elles ont besoin d’un apport en glucides, protéines et calcium) ;
- Pour l’alimentation possible de se fournir auprès des coopératives, des agriculteurs voisins ou de l’autoproduire) ;
- La fabrication des aliments à la ferme demande de la surface (5 ha pour 250 pondeuses), du matériel et une maîtrise de la production des céréales et fourrages ;
- L’herbe peut aller jusqu’à 20% de la ration journalière de la poule ;
- Pour les protéines animales, la poule peut manger insectes, larves et vers de terre trouvés à la surface du sol et en grattant. Il est possible de lui apporter des compléments possibles avec des coquilles d’huîtres (apport de calcium pour la dureté des coquilles), des cailloux (aide à la digestion puisque, jusqu’à preuve du contraire, la poule n’a pas de dents !) et de la vitamine C.
Il faut également assurer à la poule l’accès à une eau fraîche et propre à volonté.
Si l’autoproduction de l’alimentation des poules est complexe et coûteuse, elle prend son sens dans une ferme diversifiée qui a déjà un atelier céréale comme à Trévero. Ou alors il est possible d’effectuer un partenariat avec un·e agriculteur·rice voisin·e qui cultive des céréales. C’est le cas de la Ferme des Gobettes où ils se fournissent en maïs concassé, féverole et pois chez un agriculteur voisin qui est en ACS bio et qui vend le tout à un prix bien moindre qu’une coopérative.
La santé des poules pondeuses
Premier mot d’ordre : prévoyez un espace infirmerie pour protéger et isoler les poules malades. Privilégiez les traitements par homéopathie et phytothérapie Les périodes de vide sanitaire et la rotation des parcours limitent les infections parasitaires. Le parasite « externe » le plus fréquemment rencontré est un acarien appelé couramment pou rouge (particulièrement actif par temps chaud) ; utilisez la Terre de diatomée en préventif (sur les surfaces et les perchoirs) comme en curatif. Les obligations en termes de prophylaxie concernent les élevages de plus de 250 pondeuses.
Les prédateurs et parasites principaux sont :
Les poux rouges :
- Lutte préventive : dans la construction des poulaillers, éviter les creux ou orifices permettant l’installation des colonies. Disposer de la terre de diatomées ou des cendres sur les surfaces. Effectuer des vides sanitaires.
- Lutte curative : mites prédatrices (lutte biologique), nettoyage à fond du poulailler (à la Ferme de Pibot, on aspire les poux à l’aspirateur tous les 15 jours environ) ou brûler les zones extérieures infectées.
Vers aux intestins :
- Lutte préventive : rotations prolongées des pâturages en cas de poulailler mobile et vide sanitaire.
- Lutte curative : vinaigre de cidre dans l’eau de poules.
Prédateurs (renard, martre, fouine, rapaces) : grillage de taille définie, protection des rapaces par les arbres, filets électrifiés, trappes, animaux domestiques (patou, âne, alpaga : tout animal territorial), clôture solide entourant la totalité des surfaces explorées (dans le cas où le territoire est particulièrement riche en faune sauvage).
L’œuf et la commercialisation
La ponte et l’œuf
Différents facteurs peuvent impacter sur le taux de ponte :
- la race ;
- une nourriture déséquilibrée ou changée ;
- des maladies et des parasites ;
- une grande variation de températures : certain·es mettent les poules dans des serres l’hiver pour les protéger du froid ;
- la durée du jour et la luminosité (ajout de lumière possible l’hiver, plutôt conseillé le matin) ;
- l’âge des poules (baisse de 20% du taux de ponte chaque année environ).
Le prix de vente moyen en bio d’un œuf est de 0,38 € TTC/œuf
Commercialisation
Les œufs sont en général commercialisés en vente directe : à la ferme, en AMAP, sur les marchés, dans les magasins de producteurs. La ferme de Coume Sourde commercialise 20% de ses œufs via un frigo en libre-service devant la ferme “le frigo le plus rentable du monde”. Une diversité de circuits de commercialisation apporte une sécurité pour la vente de l’intégralité de la production.
Les poules de réforme
Les poules sont réformées après 16 mois (au-delà, la ponte sera plus aléatoire). Les plus petits ateliers organisent souvent une vente ou un don à des particuliers car les poules pondent toujours régulièrement et peuvent être suffisantes pour une famille. Les autres poules sont en général abattues. Dans le cas d’un choix d’abattre à la ferme, un investissement supplémentaire est à prévoir. Elles peuvent être vendues « prêtes à cuire » ou cuisinées : poule au pot, confit de poule, rillettes. La ferme de Coume Sourde a décidé d’abattre les poules à la ferme pour ensuite transformer la viande en nourriture canine (qui est une alimentation souvent peu traçable).
2. Élever des poules pondeuses en poulailler mobile ?
Un vent de renouveau souffle sur le paysage des poules pondeuses en France. Comme dit précédemment notre pays et le premier producteur d’œufs d’Europe, cela implique forcément une domination des modèles très industrialisés en bâtiment où bien-être animal et préoccupations environnementales ne sont pas les priorités. Cependant la proportion des élevages bio et en plein air et surtout des élevages de plus petite taille augmente. Et avec cette évolution des priorités et des modes d’élevage arrivent de nouvelles techniques plus légères en termes d’investissement, mieux pensées pour le bien-être des poules mais aussi réfléchies pour venir apporter un service à l’écosystème de la ferme : les poulaillers mobiles. Ces derniers devenant de plus en plus plébiscités nous avons voulu en décortiquer le fonctionnement et les aspects économiques.
Le partage de connaissances sur ce thème se fait souvent de façon horizontale, entre agriculteur·rices pionnier·ères et passionné·es, comme souvent pour les méthodes d’agricultures régénératives qui s’ancrent sur le terrain et la pratique. Via le tour de France qu’ils ont effectué, les étudiant.e.s de l’EAV ont voulu retranscrire et centraliser une partie des informations qui s’échangent sur le terrain. Si le résultat est représentatif, il n’est bien sûr pas exhaustif. De nouvelles façons de faire ont pu émerger dans un coin de France sans encore être connue ailleurs. De plus, comme pour toutes les techniques agricoles régénératives, aucun des modèles développés dans la suite de ce guide pourront s’appliquer directement à votre future ferme, il faudra les adapter à vos spécificités !
Historique et avantages du poulailler mobile
Un poulailler mobile est une infrastructure en dur et de petite taille destinée à l’élevage de volailles. Comme son nom l’indique c’est une structure mobile prévue pour être déplacée (plus ou moins aisément) à différents endroits d’une ferme en respect avec la législation en vigueur. C’est un système qui assure un pâturage des poules pour mieux valoriser l’herbe et assurer une fertilisation et régénération des sols.
Le poulailler mobile est assez récent en France, c’est en 2016 qu’est apparu le premier poulailler mobile (à la Ferme de la Coume Sourde) des onze fermes rencontrées par l’EAV. En France aujourd’hui, on estime qu’il y a entre 100 et 300 fermes qui possèdent un poulailler mobile professionnel (accueillant plus de 50 poules pondeuses).
Le principe a commencé à faire son apparition plus tôt ailleurs qu’en France, et s’est développé en parallèle dans plusieurs pays. Les États-Unis avec le premier “egg mobile” de Joel Salatin et l’Australie avec les Chicken Caravan de Daniel O’Brien ont eu un vrai rôle de pionniers au début des années 2000. Richard Perkins, créateur de Ridgedale Farm en Suède, a permis la démocratisation du modèle en proposant un plan de poulailler mobile en auto-construction. En Allemagne on trouve les marques Hühnermobil et Farmermobil apparues vers 2010.
Les poulaillers mobiles apportent de nombreux avantages :
- les poules ont accès à un environnement riche, propre, une herbe fraîche, régulièrement ce qui impacte la qualité gustative et nutritionnelle des œufs ;
- les surfaces extérieures sont utilisées de manière plus souple et régulière ;
- le fait d’alterner les parcelles permet de diminuer la pression des parasites ;
- la couverture végétale est ménagée ;
- l’investissement de départ est moindre que pour un bâtiment en dur (dans le cas des ateliers de plusieurs centaines de poules pondeuses).
Comme pour toute solution alternative, le poulailler mobile n’est pas une méthode miracle et elle apporte son lot d’inconvénients :
- étant mobile le poulailler demande du temps humain pour son déplacement ainsi que la gestion de l’eau, de l’alimentation et des clôtures,
- il est compliqué voire impossible d’automatiser la collecte des œufs ;
- le risque d’œufs au sol ou d’œufs souillés est plus grand ;
- l’adaptation des poules à un nouveau système peut être compliquée : elles ne sont pas sélectionnées pour ça mais pour une vie en batterie ;
- si l’on souhaite une automatisation de l’ouverture/fermeture des portes ou un éclairage pendant l’hiver, l’accès à l’électricité apporte une contrainte supplémentaire.
Pourquoi choisir un poulailler mobile ?
Claire de la Ferme des GonneGirls a insisté sur le fait que l’on ne choisit pas un poulailler mobile juste pour “avoir un poulailler mobile”. Ce qui pousse à choisir cette solution c’est le sol.
“Ce système-là est fait pour les gens qui sont passionnés du sol, c’est ça qui va faire bouger ton poulailler deux fois par semaine.”
Claire des GonneGirls
Le poulailler mobile doit être intégré à une réflexion plus globale de la régénération des sols au niveau de la ferme. Au moment de prendre la décision d’adopter ce système, il faut bien réfléchir au modèle de pâturage et à la rotation des parcelles, car c’est le point essentiel de ce système.
On leur a demandé pourquoi elles avaient choisi ce modèle. Tout part de leur philosophie de départ qui place le pâturage holistique au cœur. Elles voulaient prouver qu’une ferme diverse de petite taille pouvait être régénératrice et rentable. Les poules sont l’animal de taille moyenne le plus facile à utiliser pour régénérer les sols dans le cas de leur ferme, le choix de l’animal est venu avec la taille du terrain. Pour leur ferme, elles se sont beaucoup inspirées du modèle régénératif de Richard Perkins, malheureusement ses livres et vidéos ne sont disponibles aujourd’hui qu’en anglais.
Pour Claire, si vous pensez votre ferme de façon statique, le poulailler mobile n’aura que peu d’intérêt. En effet, il est très difficile d’ajouter une partie dynamique dans une ferme statique. Si vous n’avez pas l’infrastructure pour amener l’eau aux différentes parcelles, si vous n’êtes pas motivé·es pour déplacer régulièrement les structures, si vous ne souhaitez pas devoir vous en occuper tous les jours (alimentation et eau) ce ne sera pas une bonne solution pour vous. Si vous essayez de trouver des compromis avec ces éléments alors vous allez mélanger les systèmes et l’impact régénératif sur les sols sera minimal.
Quel poulailler mobile choisir pour vos poules pondeuses ?
Si vous décidez de vous lancer dans l’élevage avec poulailler mobile, vous allez devoir choisir votre modèle. Pour cela plusieurs critères à prendre en compte :
- quelle sera la taille de l’élevage ?
- quel est votre budget ?
- de quels moyens matériels disposez-vous pour déplacer le poulailler une fois monté (type de tracteur, quad, voiture)?
- avez-vous le temps et les compétences pour construire un poulailler en autoconstruction ? Allez vous faire appel à des compétences extérieures
- à quelle fréquence planifiez-vous de déplacer le poulailler ?
Le premier choix à faire et celui de l’auto-construction ou non du poulailler.
Les poulaillers mobiles déjà construits
Il existe quelques marques étrangères qui proposent des poulaillers tout à fait adaptés à des ateliers avec moins de 250 poules comme à des plus gros ateliers. Le Bois de la Dame ou la Ferme de Trévero ont toutes deux des poulaillers de HühnerMobil (Hümo Basis 225) qui coûtent autour de 40 000 €. La Ferme de Trévero a également un poulailler déplaçable de la marque française CABI qui coûte 5000€ non monté.
D’autres marques reconnues proposent des poulaillers mobiles : les Chicken Caravan d’Australie (que Claire des GonneGirls recommande chaudement) ou la marque allemande Farmermobil.
L’offre va sûrement se diversifier et s’étoffer au vu de l’engouement actuel autour de ce système. Nous vous conseillons de rentrer en contact avec des personnes utilisant le poulailler souhaité pour être sûr que cela correspond à vos besoins et au type d’élevage que vous allez mettre en place.
Si ces modèles ne vous conviennent pas ou si vous ne souhaitez pas faire ce type d’investissement, vous pouvez opter pour l’auto-construction.
Comment construire son poulailler mobile ? L’auto-construction
L’option la moins chère est de partir sur un modèle type bétaillère qui coûte entre 2000 et 2500€. Ce modèle est peu onéreux mais lourd et plus limité en termes de contenance. D’un point de vue réglementaire, seule une centaine de poules pourront y séjourner. Ça a été le choix de la Ferme des Gobettes, de l’Oeuf qui roule et de Jardin de Deux’ Mains.
Le modèle sur châssis, un peu plus cher (de 3000 à 6000€) permet plus de latitude pour la contenance. On retrouve dans cette catégorie celui de la Ferme de la Brosse qui a coûté 6000 € et celui des GonneGirls inspiré de l’Eggmobile de Richard Perkins qui a coûté entre 3000 et 4000 € par poulailler.
Le principe du pâturage des poules pondeuses
Si vous positionnez vos poules dans un poulailler mobile c’est pour les faire pâturer. Ainsi les poules pourront booster la fertilité des parcelles sur lesquelles elles sont positionnées. C’est tout l’intérêt d’avoir un poulailler le plus grillagé possible au sol, afin que les fientes tombent directement sur la prairie.
La fréquence de déplacement de votre poulailler varie selon la taille de vos enclos et l’état des pâtures. Il vous faudra beaucoup observer ces dernières, surtout au début. Pour bien maîtriser la rotation et le pâturage des poules, il est important d’avoir des bases en pâturage tournant dynamique. C’est-à-dire de bien connaître la vitesse de pousse de l’herbe ou du couvert végétal et d’estimer quand le pâturage des poules est optimal. Il est essentiel d’expérimenter toujours plus !
Autre élément important : la poule ne broute pas, il faut que l’herbe soit suffisamment courte pour que la poule puisse pâturer. Si les poules passent sur de l’herbe haute elles vont se contenter de l’aplatir sans rien manger. Avant le passage des gallinacées il faut donc soit faucher la prairie soit faire passer des vaches ou des moutons en pâturage avant. Si les poules passent après des bovins elles pourront éparpiller les bouses et donc mieux répartir la fertilisation ainsi que réguler en picorant les parasites présents dans les bouses. La gestion des prairies est holistique et ne dépend pas que des poules.
L’expérimentation est la clé : Stève de la Ferme de Pibot, l’illustre très bien dans son interview par Opaline dans un épisode du podcast de l’EAV. Il avance que les essais sont essentiels pour trouver le fonctionnement optimal pour son sol, son mode de vie et ses contraintes. Ils sont passés d’un déplacement des poulaillers tous les trois jours à un déplacement tous les trois mois avant de revenir à une situation plus intermédiaire : un compromis entre garder une prairie abondante et régénérée et avoir un rythme de travail compatible avec les contraintes personnelles ou économiques. Il insiste sur l’importance de bien calibrer la surface de pâture et le chargement (le nombre de poules à l’hectare), ce calibrage dépendra de la vitesse de pousse de l’herbe et de la qualité du sol.
La poule et l’agroforesterie
Historiquement, la forêt est l’habitat naturel de la poule. L’association de la poule et de l’arbre est donc bénéfique et naturelle. Cela se vérifie dans la pratique :
- Les arbres apportent une protection climatique : de l’ombre contre la chaleur, un abri de la pluie et du vent ;
- Le comportement naturel de la poule l’amène à se percher dans les arbres ;
- Ils proposent également une protection naturelle face à certains prédateurs (rapaces) ;
- Il y a également une interaction avec la biodiversité notamment les insectes et ravageurs qui sont une source de nourriture pour les poules. Ces dernières vont pouvoir aider dans la gestion du parasitisme (exemple : carpocapse) ;
- Enfin les poules apportent un amendement naturel aux arbres.
Les fermes visitées par l’EAV sont nombreuses à profiter de cette complémentarité. La Ferme de Trévero a planté plus de 200 arbres fruitiers dans les enclos des poules. Les Vergers du Mitan-Cranne font pâturer les poules dans des vergers de pommiers à basse tige. La Ferme de Pibot fait également pâturer ses poules entre les lignes d’arbres fruitiers. Enfin à la Ferme de Coume Sourde, un poulailler mobile est placé dans la forêt tout l’été pour que les poules bénéficient de cet environnement.
L’éducation des poules
Les poules rousses classiques de race Lohmann qui sont majoritaires aujourd’hui sur les systèmes en place en France ne sont pas vraiment adaptées au système de pâturage : elles ont du mal à supporter le changement et n’ont pas naturellement un comportement exploratoire pour trouver un complément de nourriture.
C’est encore plus vrai lorsque l’on reçoit des poulettes prêtes à pondre qui n’ont jamais vu l’herbe et ont vécu sans perchoir. Elles n’auront pas le réflexe d’aller chercher de la nourriture dans le pâturage et d’aller se percher pour dormir. Elles sont très conditionnées par les 16 semaines passées en bâtiment et cela demande une éducation à leur accueil qui peut être assez chronophage. Quelques fermes comme la Ferme de Pibot ou Trévero ont pour objectif de développer des poussinières afin de pouvoir habituer les poules dès le premier jour et améliorer le bien-être animal pour éviter un maximum de transport au cours de la vie de l’animal.
Aujourd’hui, aucune ferme n’a développé de poules rustiques adaptées au pâturage et au poulailler mobile : une race résistante aux conditions de vie extérieures, au comportement exploratoire et qui garde un bon taux de ponte ce qui pêche souvent dans les races anciennes. Mais de nombreux.ses agriculteur·rice.s y pensent et aimeraient se pencher sur la question pour améliorer le bien-être animal et participer à la sauvegarde de races anciennes. La clé est de trouver l’équilibre entre cela et le volet économique afin que le système soit viable.
Quelle rentabilité économique
Au cours de leur tour de France, l’équipe de l’EAV a pu récolter de nombreux indicateurs économiques des ateliers de poulaillers mobiles. Le seul bémol est le manque de recul dans le temps qui rend difficile d’avoir des chiffres entièrement significatifs.
Un consensus dans les fermes émerge sur le fait que les œufs de pâturage se vendent très bien et sont facilement valorisables.
Ressort aussi la notion de bien estimer le temps passé auprès des poules et d'être extrêmement organisé·e afin de ne pas se retrouver débordé.e par les différentes mini-tâches inhérentes à l’atelier. Le temps passé et le coût de la main-d’œuvre est souvent le nerf de la guerre pour rendre un atelier agricole rentable donc optimiser son temps au maximum est essentiel !
Voici une moyenne des éléments économiques des fermes observées par l’EAV. On retrouve la catégorie petit atelier sous 250 poules et la catégorie au-dessus de 250 poules. Enfin, le tableau met en comparaison des données de poulailler conventionnel en batterie. Les deux types d’ateliers sont difficilement comparables grâce à leur taille et les investissements de départ, on note néanmoins une marge brute par œuf nettement supérieure.
- Temps de travail moyen de 7h en petit atelier et de 18h en grand atelier ;
- Chiffre d’affaires annuel moyen de 16K€ pour les petits ateliers et 75K€ pour les grands ateliers pour une marge brute entre 50 et 60% ;
- Prix de vente moyen en bio 0,38€, 0,32€ en non-bio ;
- Marge brute à l’œuf de 19-20 centimes par œuf.
3. Aller plus loin
Se former
- La formation GonneGirls qui a lieu trois fois par an en Normandie sur la ferme de Claire et Gaëlle pendant deux jours. Formation holistique où sont traités les thèmes du pâturage, les aspects économiques, administratifs (le CEO). Selon la période et si utile construction en groupe d’un poulailler mobile si utile. Sinon un topo complet sur la construction et les plans. 12 personnes max. Pour connaître les prochaines dates, vous pouvez suivre la Ferme sur Instagram (@la_ferme_gonnegirls). Un futur partenariat avec Fermes d’Avenir va rendre cette formation finançable par les fonds de formation.
- La formation de Ver de Terre Production menée par Maxime Merchier et Opaline Lysiak qui est un mix de formation à distance et en présentiel, ils en proposent une ou deux par an (contact : maxime-merchier@orange.fr)
- Les formations de l’Atelier Paysan pour se familiariser avec l’auto-construction (il y en a parfois spécifique aux poulaillers mobiles)
Se renseigner et échanger
- Le groupe Facebook “Poulailler mobile en agro-foresterie”
- L’Association Française des Poulaillers Mobiles
Regarder, lire et écouter
- La série sur l’œuf agroforestier avec Alain Canet de VdT
- La chaîne YouTube de Richard Perkins (en anglais)
- Le replay de la présentation de l’EAV à Paysages in Marciac (à partir d’1h)
- You Can Farm de Joël Salatin et Richard Perkins
- Deux épisodes du podcast de l’École d’Aegroécologie Voyageuse (disponible sur Spotify, Deezer, Itunes)
- La Ferme de Pibot, 2 ans d’expérience en poulaillers mobiles,
- La Ferme des GonneGirls : bonheur et défis du poulailler mobile