Qu’est-ce que le portage foncier agricole ?
Le portage foncier, c'est le fait que le capital foncier d’une exploitation soit détenu par des propriétaires-bailleurs, qui contractent en échange un bail rural ou une convention d’occupation précaire avec l’exploitant agricole. Il y a deux formes principales de portage foncier :
Le portage foncier temporaire
L’objectif est que l’exploitant rachète le foncier au propriétaire-bailleur au terme du contrat mis en place. L’idée est donc de décaler l’accès à la propriété foncière pour le porteur de projet, qui n’en aurait pas les moyens en phase d’installation.
Le portage foncier temporaire peut prendre la forme d’un bail rural accompagné d’une option d’achat donné à l’exploitant - c’est ce que nous proposons chez FEVE, ou bien d’une convention d’occupation précaire d’une durée de 5 à 12 ans en fonction des opérateurs (la SAFER, les collectivités…).
L’agriculteur a donc la possibilité de se porter acquéreur du foncier au terme du contrat ou pendant la durée de vie du bail. A défaut (pour les conventions d’occupation précaire), les terres peuvent être proposées à un tiers.
Le portage foncier de carrière
L’agriculteur loue le foncier de sa ferme tout au long de sa carrière via un bail rural de carrière ou un bail de 9 ans. Lorsqu’il cessera son activité, il pourra transmettre son bail à un de ses enfants (dans le cas d’un bail de 9 ans) ou bien rendre le foncier à son propriétaire. Il ne peut ni se porter acquéreur du foncier, ni valoriser l’activité économique qu’il a pu développer. Les portages fonciers de carrières sont par exemple proposés par la foncière Terre de Liens.
Les avantages du portage foncier
Les avantages du portage pour le cédant
Le portage foncier peut accélérer des transmissions ou tout simplement les rendre possible, comme en témoigne l’exemple de Christophe Durand ci-dessous.
Il rend accessible une ferme à un plus large panel de porteurs de projet, sans en diminuer la valeur.
Il permet également d’élargir les recherches, en bénéficiant des réseaux des acteurs du portage foncier. FEVE fait ainsi le lien entre les cédants et les porteurs de projet via ses annonces ou newsletters régulières pour rendre possible ces transmissions.
Les avantages du portage agricole pour le porteur de projet
Dans une phase d’installation, le portage foncier est très intéressant pour le porteur de projet : il peut consacrer ses investissements au développement de son activité plutôt qu’à l’acquisition de ce foncier dont la lourde charge financière pourrait le décourager ou rendre impossible son financement. Avec la solution de portage foncier temporaire, il peut par ailleurs s’en porter acquéreur, une fois son exploitation bien lancée.
Les points de vigilance
Si le portage foncier apparaît comme une solution idéale pour favoriser les transmissions et les nouvelles installations, ce n’est malheureusement pas une solution miracle, et il faut garder en tête quelques contraintes.
Des solutions de portage foncier agricole sous conditions
Pour attirer des acteurs du portage foncier (SAFER, FEVE, Terre de Liens…), les fermes doivent correspondre à leurs critères de sélection.
Certains acteurs ne veulent pas ou ne peuvent financer de bâtiments par exemple. D’autres ne peuvent pas financer des projets trop petits ou trop gros, certains sont spécialisés dans les grandes cultures…
Par ailleurs, le portage peut être associé à des conditions sur la reprise (méthode d’exploitation par exemple).
Des conditions de fiscalité décourageante pour les investisseurs
Si les acteurs du portage foncier agricole sont exigeants, c’est bien aussi car cela peut représenter un risque pour eux, risque que n’encourage pas la fiscalité agricole actuelle. D’après le Rapport du Conseil général de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux (CGAAER), dont la synthèse est disponible ici, « La fiscalité liée au foncier agricole, de plus en plus élevée (…) aboutit à des rendements négatifs en moyenne dans la mesure où cette fiscalité croît plus rapidement que le niveau des fermages ».
Des porteurs de projet qui restent parfois difficiles à trouver
Face au raz de marées de fermes à transmettre dans les prochaines années -rappelons que dans 10 ans, la moitié des agriculteurs en France auront atteint l’âge de la retraite, il est parfois (souvent !) difficile de trouver non seulement un porteur de projet, mais le bon porteur de projet : une personne qui soit suffisamment motivée pour tenir durant toute la phase de recherche et installation, qui ait les compétences mais aussi les ressources nécessaire pour s’installer… et dont le projet soit en phase avec le projet du cédant.
Lou arban : une ferme transmise grâce au portage foncier
Christophe Durand, propriétaire-exploitant depuis 40 ans, a cédé sa ferme en grandes cultures, légumes de plein champ et élevage bovin dans le Limousin à Lucas et Jean-Baptiste, deux ingénieurs agronomes fraîchement diplômé de l’ENSAT… Une belle histoire qui n’aurait pu avoir lieu sans la solution de portage foncier. Cela faisait 5 ans que Christophe, voyant l’âge de la retraite approcher, recherchait des repreneurs pour sa ferme… à une condition : la céder, et non la louer. « J’ai trop vu de cas où les locations se passent mal, les personnes ne paient par leurs loyers, n’entretiennent pas la ferme… sans que le propriétaire-bailleur n’ait de recours. Je ne voulais pas laisser ce problème à mes enfants ». Ce sera donc une cession. Christophe fait estimer sa ferme de 300 ha, bâtiments, matériel et cheptel compris, auprès de la SAFER environ 2 millions d’euros. Mais si les capitaux -notamment étrangers, ne sont pas difficiles à trouver, Christophe a plus de mal à attirer des porteurs de projet… Et c’est bien ce qu’il cherche pourtant : des personnes qui continuent de faire vivre sa ferme en pratiquant une agriculture biologique et respectueuse du vivant.
Juillet 2022, deux jeunes débarquent dans la cour de la ferme. Ils s’appellent Lucas et Jean-Baptiste, sont ingénieurs agronomes et veulent s’installer dans la région. « C’est à partir de là que tout s’est mis en place : la démarche de prêt à la banque, mais aussi les rendez-vous avec FEVE et la SAFER pour convenir des conditions de fermages ». La SAFER est intéressée par cette cession pour la taille importante de la ferme et le choix atypique de ses productions céréalières (petit épeautre, sarrasin, graines de moutarde, blés anciens…), FEVE, pour sa dimension fortement agro-écologique.
Finalement, les jeunes achètent les bâtiments, le matériel et le cheptel grâce à un prêt bancaire et un apport personnel, et FEVE et la SAFER achètent le terrain. Par ce portage foncier temporaire, Lucas et Jean-Baptiste auront donc la possibilité de racheter ce foncier au terme de leur contrat. En attendant, ils ont repris le flambeau de Christophe et continuent de conduire la ferme rebaptisée Lou arban en agriculture biologique, diversifiée, et respectueuse du vivant.