La problématique énergétique impacte de nombreux secteurs, et celui de l’agriculture n’y échappe pas.
En 2021, le secteur de l’agriculture a consommé 49 térawattheures (TWh) d’énergie (hors carburants routiers), soit 3 % de la consommation finale énergétique en France (source : INSEE). Cela peut sembler à première vue peu élevé mais ce chiffre n’intègre pas les consommations énergétiques relatives à l’utilisation d’intrants (engrais, produits phytosanitaires) et d’aliments pour le bétail qui concernent pourtant 48 % de la consommation énergétique totale de l’agriculture en France.
Sur certaines exploitations, les besoins en énergie peuvent être très élevés.
En moyenne, les dépenses énergétiques d'une exploitation agricole s'élèvent à 13 000 euros annuels, ce qui représente entre 7 à 20 % des dépenses selon les exploitations. Dans certaines exploitations spécialisées dans la production légumière sous serre, les besoins en énergie peuvent même représenter jusqu'à 40 % des charges.
Le secteur de l’agriculture a donc tout intérêt à mettre en œuvre des actions d’économies d’énergie. Mais concrètement comment on fait ?
Petits gestes, grands effets : comment réduire sa consommation d’énergie directe ?
Par consommation d’énergie directe, on entend l’énergie consommée par les infrastructures et matériels des exploitations. Il s’agit majoritairement des consommations de GNR, d’électricité et de gaz.
Le poste GNR représente en moyenne près des deux tiers des consommations énergétiques des exploitations. Il existe pourtant des solutions pour faire baisser ce chiffre.
Lors d’un bilan de 7 500 tracteurs testés entre 1995 et 2006 sur banc d’essai, il a été démontré que 40 % des tracteurs étaient surpuissants et donc pas nécessairement adaptés aux besoins réels des exploitations. Pour ne pas voir augmenter les coûts de mécanisation et de carburants, bien choisir son matériel peut se révéler impactant en termes d’économies d’énergies.
Le passage du matériel au banc d’essai peut également apporter des effets concrets : l’entretien, le réglage et les conseils des mécaniciens peuvent engendrer une économie non négligeable de 1,5l/h de fioul, soit 400 à 500€/ an. De plus, la conduite économique et l’optimisation de l’utilisation d’un tracteur peut amener une réduction des consommations de carburant de l’ordre de 15 à 20% (source : ADEME).
Les bâtiments d’élevage sont également de gros consommateurs d’énergie, notamment de gaz et d’électricité. Améliorer leur isolation et optimiser les réglages des appareils de chauffage et ventilation peut être très impactant. Par exemple, en élevage porcin, un centimètre d’isolant peut permettre de réduire la consommation de chauffage de 10 %.
Malgré des investissements parfois conséquents, le taux de retour sur investissement des techniques d’optimisation de la performance énergétique des exploitations agricoles est inférieur à 10 ans, voire à 5 ans pour les plus performantes d’entre elles.
Réduire les engrais de synthèse : miser sur le pouvoir des engrais organiques et des légumineuses
Le sujet est malheureusement bien connu : l’enjeu de l’utilisation des engrais de synthèse n’est pas seulement économique. Ils sont également source de pollution des sols, de la ressource en eau et atmosphérique.
Les engrais de synthèse : un coût environnemental et économique majeur
Selon des chercheurs de l'université de Cambridge, les émissions de gaz à effet de serre liées aux engrais représentent quelque 2,6 milliards de tonnes d'équivalent CO2, soit environ 5% des émissions annuelles mondiales. Cette proportion est comparable à celle de la métallurgie (7%), du ciment (6%) ou du plastique (4%), autres gros émetteurs de l'économie mondiale.
Au-delà de l’impact environnemental, l'utilisation d'engrais de synthèse est l’un des postes de consommation énergétique les plus lourds d’une exploitation agricole : en 2009, elle représentait près de 40 % des dépenses d’une exploitation en grandes cultures.
Pourtant l’azote est un élément essentiel à la croissance des cultures. Certes, des outils existent pour mieux ajuster les apports en fonction des besoins des plantes, et cela sans pour autant entraver le rendement des cultures. Il est par exemple prouvé que le fractionnement de l’apport azoté permet d’augmenter l’efficacité de la dose totale.
Mais l’idéal reste de s’affranchir totalement des engrais de synthèse et de se tourner vers des solutions alternatives.
Les engrais organiques et les légumineuses : une ressource sous-exploitée
Pratiquer la fertilisation raisonnée, mieux valoriser les engrais organiques disponibles sur les exploitations et dans les territoires, ou encore accroître la fixation d’azote atmosphérique en implantant davantage de légumineuses au sein des rotations font partie des solutions.La bonne nouvelle, c’est qu’elles ont le double effet positif de rendre les exploitations moins dépendantes de l’évolution du coût des énergies nécessaires à la production de ces engrais.
Il est possible de substituer de l’azote minéral de synthèse par de l’azote organique, principalement produit par les élevages, en améliorant la prise en compte des apports d’azote organique dans le calcul de la dose à apporter. Lorsque ce type de fertilisation est possible, l’utilisation d’engrais d’origine animale réduirait les besoins en engrais azotés minéraux de 15 kgN/ha en moyenne. Autre effet bénéfique, les apports de produits résiduaires organiques issus d’élevage n’ont pas, à l’inverse des engrais minéraux, d’effet acidifiant. Au contraire, cette pratique améliore la qualité des sols car ils ont généralement un effet positif sur la diversité et l’abondance de micro-organismes et de la faune du sol.
La culture de légumineuses permet de s’affranchir de l’utilisation d’intrants chimiques. Capables de capter l’azote de l’air, ces plantes ne nécessitent aucun apport d’azote minéral et, au contraire, en restituent aux cultures suivantes ou associées.
Modifier ses pratiques pour agir à la source et sur le long terme
Réduire les intrants et économiser de l’énergie grâce aux Techniques Culturales Simplifiées
La mise en place de techniques culturales simplifiées (TCS), notamment l’abandon ou la réduction du labour, réduit de manière très importante les consommations de carburant : on comptabilise 20 à 40 % d’économies pour ce type de technique. Autre effet bénéfique : ce type de culture permet un accroissement de la teneur en matière organique du sol sur l’horizon de surface (0-10 cm) de 25 à 50 % en 30 ans. Cela permet donc, à terme, de réduire drastiquement l’utilisation des engrais de synthèse et a un effet positif sur la biodiversité du sol, l’amélioration de la structure, et la réduction des risques d’érosion.
Les cultures intermédiaires : des alliées pour le sol et pour une meilleure gestion de l’irrigation
L’abandon du labour est souvent complété par l’introduction de cultures intermédiaires dans la rotation, afin de maîtriser les adventices et d’augmenter la quantité de carbone organique stocké dans les sols. Cet apport supplémentaire de matière organique sur le long terme va permettre de restructurer la porosité du sol et améliorer la capacité de rétention d’eau des sols en surface, et donc permettre une meilleure irrigation.
Les cultures intermédiaires permettent une réduction de la fertilisation azotée avec l’implantation de légumineuses, l’enrichissement des sols en matière organique et le stockage de carbone associé, en particulier lorsqu’elles sont combinées aux TCS. De plus, elles sont une arme de lutte majeure contre l’érosion des sols par action hydrique et de la fuite des nitrates cultivées.
Le potentiel de réduction des émissions de gaz à effets de serre des cultures intermédiaires est important : il est estimé à 1,1 Mt éq. CO2/an en 2030, dont environ 30 % d’économies directes et indirectes dues à une moindre fertilisation azotée.
Malgré leur complexité, l’adoption des TCS révèle des avantages multiples une fois leur conduite maîtrisée. La baisse des charges de mécanisation et de carburant permet d’améliorer nettement les marges nettes des exploitations. De plus le temps passé en moins sur les machines peut aussi être réinvesti à des tâches d’observation qui permettront à terme une montée en compétences, une meilleure compréhension de ses propres sols et une adaptation des techniques aux réalités des parcelles.
Les légumineuses : des cultures multifonctions pour des sols en santé et des élevages autonomes
Parmi les cultures intermédiaires, une catégorie de plantes star : les légumineuses.
En association dans les prairies, la fertilisation azotée apportée par les légumineuses permet de s’affranchir des fertilisants de synthèse à hauteur de 30 % de la biomasse présente. Autre exemple : par rapport à un précédent de céréales à paille, le pois permet par exemple d’économiser entre 20 et 60 kg N/ha sur le blé ou le colza suivant. De plus, l’implantation de légumineuses fourragères maintient la structure du sol, sa fertilité, favorise la vie microbiologique et la présence de microfaune.
Les légumineuses fourragères (luzerne, sainfoin, lotier, trèfle blanc…) ou à graines ((pois, soja, féverole, lupin) permettent en outre de développer une autonomie dans l’alimentation du bétail et de s’affranchir des risques présentés par l’importation de fourrages et d’intrants alimentaires (variation des coûts, problématiques d’acheminement, impact carbone de l’importation).
Fabacéé, un programme pour aider les agriculteurs à réduire leurs consommations énergétiques
Légumineuse, vous avez dit légumineuse ? Ca tombe bien car on a un programme d’accompagnement vers la réduction de vos consommations énergétiques à vous présenter. Et justement, il s’appelle “Fabacéé” !
Fabacéé est le premier programme CEE retenu dans le secteur de l'agriculture. Doté d'un budget de 17 millions d'euros, il accompagne les groupes d’agriculteurs et leurs structures d'accompagnement dans la durée pour faire baisser leurs charges en énergie et en intrants en les guidant dans la transition vers de nouvelles pratiques et de nouveaux équipements.
C'est un programme porté par Feve avec Solagro et l'AREC Occitanie. Il est géré en partenariat avec la Fédération Nationale des cuma, l'association AILE Intiatives Energie Environnement, l'IRAEE et la FNCCR.
Concrètement, Fabacéé permet :
- De financer à 100% les postes d’animateurs des groupes des structures accompagnantes, et d’accéder à une enveloppe de 14 000 euros d’aide à l'investissement en cas de besoin d'équipements agricoles, de petit matériel, d'analyses et d'études,
- D'outiller les agriculteurs et leurs animateurs pour mettre en œuvre les projets d'économie d'énergie : accès à des formations, à des outils de diagnostic énergie, une plateforme de suivi des actions…
- De bénéficier de solutions de financements innovantes : un fonds de garantie pour faciliter l’accès au crédit bancaire et à une assurance transition pour prendre en charge une partie du risque porté par les agriculteurs qui feront évoluer leurs pratiques agricoles.
Il est déployé sur la période 2025-2027 et concerne pour le moment sur les régions suivantes : Bretagne, Normandie, Pays de la Loire, Occitanie et région PACA.
Pour tout savoir sur ce programme et présenter votre candidature pour en bénéficier, rendez-vous sur son site internet : fabacee.fr.
Alors, on s’y met quand ?
Face aux défis énergétiques croissants, l’agriculture a tout à gagner à adopter des pratiques plus économes en énergie.
Réduire sa consommation permet non seulement de diminuer les charges, mais aussi de renforcer l’autonomie et la résilience des exploitations, tout en diminuant leur impact environnemental. Les solutions sont nombreuses : optimiser l’usage du matériel agricole, améliorer l’isolation des bâtiments, valoriser les engrais organiques, et intégrer des cultures comme les légumineuses.
Grâce à des initiatives comme le programme Fabacéé, les agriculteurs peuvent bénéficier de soutiens concrets pour entamer ou poursuivre cette transition.
Investir dans une agriculture plus économe et durable est essentiel pour relever les défis environnementaux et économiques actuels.