Juliette Vigato

-

Mis à jour le

31/10/2024

Installation agricole

Bio et Agroécologie

L’agriculture de conservation des sols : la solution pour demain ?

Et si le sol était notre bien le plus précieux ? C'est le parti pris de l'agriculture de conservation des sols, technique culturale que nous présentons dans cet article.

Juliette Vigato

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31/10/2024

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Bio et Agroécologie

Sommaire

Parlons agriculture de conservation des sols ! Nous savons aujourd'hui que le sol est un de nos biens le plus précieux ? À l’heure où 18 % des sols sont soumis à l’érosion, notamment due à des pratiques agricoles intensives (labour, suppression de haies, sols laissés à nu…) et aux phénomènes météorologiques extrêmes, il est (grand) temps d’agir. Un sol sain et fertile est notre meilleur allié pour une agriculture résiliente, indépendante en intrants… et durable ! Un sol vivant permet en effet de stocker du C02 et de lutter contre le réchauffement climatique. C’est tout le pari de l’agriculture de conservation des sols ou ACS. Alors, prêt·es pour cette révolution du vivant ?

Nous couvrirons les sujets suivants dans cet article :

  • Quels sont les trois piliers de l'agriculture de conservation ?
  • Quels avantages et contraintes dans l’agriculture de conservation des sols ?
  • Agriculture biologique et agriculture de conservation sont-ils compatibles ?
  • L’agriculture de conservation des sols a-t-elle un impact sur le stockage du carbone ?
  • Comment se lancer en agriculture de conservation ?

Sommaire

1. Agriculture de Conservation des Sols (ACS) : de quoi parle-t-on ?

Les trois piliers de l'agriculture de conservation des sols

L’agriculture de conservation des sols est une pratique agronomique théorisée aux Etats-Unis dans un contexte de forte érosion des sols liée à une alternance de sécheresse, de pluie et de vents violents (ça vous rappelle quelque chose ?) qui a provoqué un important mouvement migratoire de la population rurale dans les années 1930. John Steinbeck en a d’ailleurs fait l’objet de son livre Les Raisins de la colère.

Aujourd’hui, l’agriculture de conservation est surtout pratiquée en Amérique du Sud, Afrique et Asie. Là-bas les cultures ne sont pas assurées en cas de perte et les systèmes doivent être résilients. Elle connaît un regain d’intérêt depuis une dizaine d’années en France.

Depuis le Congrès Mondial de l’Agriculture de Conservation de 2001, l’agriculture de conservation se définit comme la combinaison de trois pratiques :

  • La suppression du travail mécanique du sol, via la technique du semis direct, afin de préserver la couche superficielle du sol et son activité biologique ;
  • La couverture permanente du sol, par des couverts ou des cultures intermédiaires, pour protéger la surface des sols de l’érosion, le structurer en profondeur par le réseau racinaire, maintenir l’humidité et nourrir les micro-organismes du sol ;
  • La rotation diversifiée des végétaux, pour limiter adventices et maladies tout en favorisant la biodiversité.

Le but de l'agriculture de conservation des sols

Préserver (ou recréer) un sol vivant, en mesure de remplir ses différentes fonctions dans un cercle vertueux :

  • l’enracinement des cultures ;
  • le stockage de l’air (et du carbone), l’eau, les nutriments ;
  • la mise à disposition de ces ressources auprès de micro-organismes qui les valorisent et le fertilisent en retour.

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2. Avantages et contraintes de l’agriculture de conservation des sols

Les avantages de l'agriculture de conservation des sols

Pratiquer l’ACS présente de nombreux avantages sur une ferme :

  • Augmentation du taux de matière organique présente dans le sol (en moyenne +1 % en 10 ans), et donc sa fertilité ;
  • Meilleure capacité de stockage de l’eau, qui rend le sol plus résilient en cas de sécheresse ou de ruissellement après de fortes pluies ;
  • Diminution des charges (fioul, engrais) et du temps de travail liés au désherbage mécanique ;
  • Meilleure productivité des surfaces cultivées, car le sol est nourri même pendant les périodes d’inter-cultures, et est plus résilient en cas de difficultés climatiques.

Les résultats d’une étude conduite entre 2016 et 2020 par l’APAD auprès de trente agriculteurs se lançant dans l’ACS parlent d’eux-mêmes :

  • Le taux de matière organique augmente entre 14 et 44 % dans les 10 premiers cm de sol ;
  • L’indice de battance diminue de 0,3 ;
  • L’activité microbienne est deux fois plus importante et les vers de terre quinze fois plus nombreux qu’en système conventionnel.

Les contraintes de l'agriculture de conservation des sols

Les deux contraintes principales de cette pratique culturale sont :

  • La gestion de l’enherbement peut conduire au recours de produits phytosanitaires comme le glyphosate (autorisé en agriculture de conservation des sols), ou la pratique d’un léger travail de sol en surface (autorisé dans la pratique du TCS, Techniques Culturales Simplifiées, première étape pour passer à l’agriculture de conservation des sols) ;
  • Bien connaître son sol, et prendre le temps de l’expérimentation : quel interculture ou couvert choisir entre telle ou telle culture, à telle saison… ?

En ACS, certaines machines agricoles traditionnelles ne seront plus que décoration !

3. Comment concilier agriculture de conservation et bio ?

Alors, comment gérer les reprises de couverts végétaux et les adventices sans travail du sol ni produits phytosanitaires ? Mission impossible ?

Nous avons posé la question à Félix Noblia, agriculteur dans le Pays-Basque d’une ferme de 150 ha en cultures céréalières et élevage de vaches Angus. Pour lui, concilier les deux pratiques a été un cheminement exigeant, qui donne aujourd’hui tout son sens à son métier.

J’ai commencé par pratiquer l’agriculture de conservation des sols dès 2013, avec du semis direct sur une ferme conventionnelle. J’avais de très bons rendements, mais devais traiter tous les quinze jours. Je jouais un peu aux apprentis sorciers. En 2016, j’ai eu une prise de conscience de la nocivité de ces produits sur la santé de ceux qui les utilisent… J’ai voulu faire aussi bien tout en étant bio. J’ai fait beaucoup de recherches, pour me rendre compte qu’il n’y avait rien : les itinéraires techniques alliant ACS et bio n’existaient pas. Il fallait tester, expérimenter, documenter les résultats et les partager.
Félix Noblia

Félix fait des tests de couverts végétaux, d’inter-cultures, de cultures ou encore de travail superficiel de sol. Il continue d’expérimenter, avec le soutien d’instituts de recherches. Voilà quelques-uns de ses retours d’expérience pour allier agriculture de conservation et bio :

  • Le choix du pâturage tournant dynamique et des vaches Angus est essentiel dans le fonctionnement de son système : il valorise la ressource en herbe et fertilise les champs ;
    Au bout de deux ans, Félix se rend compte que le semis direct en bio marche parfois… mais d’autre pas. Les facteurs d’échec ou de réussite sont très complexes et difficilement maîtrisables ou même identifiables ;
  • Les écosystèmes sans travail de sols ni pesticides reviennent vers leur climax, l’équilibre écologique naturel du terroir. La sécurisation du résultat en agriculture biologique s’accompagne alors nécessairement d’un travail du sol très superficiel ; sans oxydation particulière le système fait germer des plantes secondaires… la prairie pérenne naturelle gagne alors la compétition ;
  • Le système de « strip-till » paraît très prometteur : il consiste à créer un lit de semence uniquement sur le rang à semer, tout en déposant les résidus dans l’inter-rang en surface. Félix expérimentera cette pratique avec l’aide de l’ITAB (Institut Technique de l’Agriculture Biologique).

La Fédération Nationale d’Agriculture Biologique (FNAB) se penche aussi sur la question, et prône un modèle « CST » : Couverts végétaux, Travail superficiel du sol, Semis direct, qui permettrait de concilier agriculture de conservation et Agriculture biologique.

Félix Noblia sur une de ses parcelles

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4. Agriculture de conservation et stockage de carbone

Parce qu’elle favorise l’activité des bactéries, des champignons, des vers de terre, l’agriculture de conservation augmente le taux de matière organique des sols, et par là même leur capacité à y stocker le carbone. D’après l’INRAe, un sol en agriculture de conservation capte 0,5 tonne de carbone en plus par hectare et par an par rapport à l’agriculture conventionnelle. C’est une avancée essentielle pour atteindre les objectifs de neutralité carbone et lutter contre le réchauffement climatique. On rappelle que le carbone présent dans l’air sous forme de dioxyde de carbone est l’un des principaux gaz à effet de serre, responsable du dérèglement climatique.

L’initiative 4 pour 1000 lancée en 2015 à la COP21 prônait ainsi l’agriculture de conservation comme le système agricole permettant de compenser une grande part des émissions de gaz à effet de serre, tout en produisant plus d’alimentation. L’augmentation du stock de carbone de « 4 pour mille » (ou 0,4 %) chaque année permettrait alors de stopper l’augmentation de la concentration de C02 dans l’atmosphère.

Mais alors, comment mesurer ce stockage de carbone et rémunérer les agriculteurs pour ce service rendu ?

Plusieurs solutions sont à l’étude :

  • Mesurer le taux de stockage de carbone sur chaque exploitation – difficilement applicable à grande échelle ;
  • Modéliser ce taux d’après des données préétablies – qui doivent être affinées pour prendre en compte les particularités locales ;
  • Calculer ce taux grâce à un indice de photosynthèse visible via les satellites.

Webinaire - La place de l'élevage en agroécologie

La place de l'élevage dans les fermes actuelles est beaucoup questionnée notamment pour ses impacts écologiques. Dans ce webinaire avec Maxime Moncamp, chargé de mission agroécologie chez Solagro et Jean-Baptiste Faure, jeune agriculteur installé sur la ferme de lou Arban, financée par FEVE vous pourrez explorer les rôles agroécologiques de l'élevage et les options possibles pour l'intégrer sur une ferme.

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5. Agriculture de conservation, des pistes pour se lancer

Alors, revenons sur terre avec quelques conseils pour se lancer en agriculture de conservation :

  • Connaître son sol, et ne pas désespérer si le taux de matière organique y est bas : tous les sols sont rattrapables à condition de les décompacter si besoin et de leur donner le temps de se régénérer ;
  • S’équiper a minima (et d’occasion si possible) de semoirs (à disque, à dent), d’un pulvérisateur, d’un épandeur d’engrais et d’un trieur à graines (mutualisable) ;
  • Lire, se former et expérimenter. La revue TCS donne de précieuses clés de réussite en système d'agriculture de conservation des sols. N’hésitez pas à contacter le réseau APAD (Association pour la Promotion d’une Agriculture Durable), les Chambres d’Agriculture ou les réseaux d’agriculteurs locaux pour partager vos expériences et être informé.e.s de formations sur le sujet

6. Pour aller plus loin sur l’agriculture de conservation

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