Pour cultiver le houblon il faut d'abord comprendre de quelle plante on parle ! Le houblon (Humulus lupulus) est une plante dioïque grimpante de la famille des cannabacées : le plant de houblon peut être soit mâle soit femelle, et monter jusqu’à huit mètres de haut. Chaque année, en mars-avril, les racines produisent des jets sortant de terre qui forment des lianes sur lesquelles à la mi-saison, des cônes se développeront pour être récoltés sur la fin de l’été. La partie racinaire persiste chaque année et la partie foliaire se reformera tous les printemps pour “faner” en fin d’été. C’est sur ce même cycle annuel que la plante vieillit durant 20 à 30 ans.
En France, le houblon est historiquement cultivé en Alsace qui détient plus des deux tiers des surfaces de production du pays. Il est donc très rare de voir des lianes pousser à huit mètres de hauteur ailleurs que dans l’Est. Pourtant le houblon est une plante qui s’épanouit à l’état sauvage entre les 35e et 55e parallèles. En Europe, ça correspond à une zone s’étendant de l’Espagne au 2/3 sud du Royaume-Uni. Cependant, la plante n’apprécie pas les périodes de fortes chaleurs, les hivers trop doux, les zones venteuses et les surfaces en altitude. Pour s’épanouir, la plante nécessite un sol riche, humide mais bien drainé, ainsi qu’une bonne exposition au soleil. Ces conditions réunies permettent des récoltes abondantes et riches en acides alpha, signe d’une bonne qualité pour la bière.
Ce guide vient explorer différents aspects de la culture du houblon : la réalité du métier de houblonnier, les formations possibles pour commencer à cultiver du houblon et enfin la rentabilité de cette pratique : on gagne combien avec du houblon ?
1. L’activité du houblonnier
Historiquement, le houblonnier ou la houblonnière cultive le houblon et le récolte à partir de la fin de l’été, il ou elle ne se charge généralement pas de la commercialisation de sa production. Son travail suit le rythme des saisons, avec un ralentissement des travaux en hiver qui se porteront principalement sur le travail du sol. La plupart des houblonniers français se situent en Alsace et dans les Hauts-de-France. Mais depuis ces dernières années, la culture du houblon s’étend peu à peu et conquiert les quatre coins de l’hexagone.
Les nouveaux houblonniers se rapprochent alors de structures d’accompagnement pour leur installation et le suivi technique. Ils participent à la recherche et au développement de cette culture à haute valeur ajoutée.
Une saison dans le houblon
- La saison commence aux alentours de mars, par la taille des souches de houblon en surface afin d’homogénéiser les départs et d’assainir les plantes.
- Au moment du débourrement, le houblonnier va installer les fils sur son échafaudage sur lesquels il ou elle guidera les lianes sélectionnées dans le sens horaire tout au long de leur croissance, jusqu’à l’apparition des fleurs dans la première partie de l’été. Le travail dans la houblonnière est rythmé par la météo puisque tout comme la vigne, le houblon est une plante sensible au mildiou et à l’oïdium. La culture du houblon nécessite de nombreux travaux de traitements, de fertilisation des sols et autres travaux préventifs pour éviter la prolifération des bioagresseurs.
- Arrivées dans la deuxième période de l’été jusqu’au début de l’automne, les fleurs évoluent en cônes de houblon et la récolte sera amorcée lorsque leur maturité sera optimale. La suite consistera à récolter les lianes afin de les passer dans une trieuse, de trier les cônes frais et de faire sécher la production. Les cônes seront alors transformés en pellets pour être vendus principalement aux brasseurs pour la production de bières
- En hiver, les travaux consisteront en la préparation des parcelles pour la prochaine saison : taille des tiges sèches, mise à plat des buttes, semis de couverts végétaux et amendement des sols par apports de compost.
Les défis pour passer en houblon biologique
En Europe, l’approvisionnement en rhizomes ou plants de houblon biologiques est limité, il faudra alors utiliser des plants conventionnels pour l’installation de nouvelles parcelles puis faire une demande de dérogation auprès de son certificateur bio. Ces dérogations sont accordées par des organismes certificateurs et à réaliser impérativement avant la facturation et la réception des plants. Il faudra vous munir d’une attestation de non-disponibilité de plants biologiques par un des fournisseurs sur le territoire européen, puis vous orienter sur le site du SEMAE (anciennement GNIS) pour obtenir votre dérogation. (Règlement (CE) n°834/2007).
La sensibilité du houblon aux maladies et aux ravageurs est spécifique à chaque variété. Nous vous recommandons de tester la culture du houblon sur chaque nouveau terroir dans lequel la plantation va être installée pour en retenir les plus adaptées. La sélection de variétés de houblon robustes est la première étape afin de limiter les traitements en agriculture biologique. D’autres techniques sont mises en place, comme la taille des souches, la suppression des feuilles sur le premier mètre à partir du sol ou encore les buttages pour limiter le contact avec les adventices au sol.
Le houblon est une plante relativement gourmande en azote, un élément qui peut être difficile à apporter puisqu’il n’est pas possible d’épandre des engrais de synthèse (dont l’azote est directement disponible) en quantité contrôlée au moment souhaité. On pourra alors combler cette lacune par l’installation de couverts végétaux et le fractionnement des apports de compost et de fumiers appliqués au bon moment.
Pour synthétiser, la production de houblon en agriculture biologique nécessitera en général l’utilisation de plus grande quantité de cuivre, davantage de travail mécanique, une vigilance accrue aux maladies et ravageurs, une quantité plus importante de fumiers et de composts. Mais si elle représente des freins de taille, le houblon biologique répond à une demande grandissante de la part des brasseurs et brasseuses en France brassant de plus en plus de bières bio.
2. Culture du houblon : les formations pour devenir houblonnier
Aujourd’hui, il existe peu de formations pour devenir houblonnière ou houblonnier. Avant de vous lancer dans cette culture, il est nécessaire de vous y initier afin de comprendre les investissements, les contraintes et avantages de cette agriculture. Des journées d’initiation ou portes ouvertes sont souvent organisées dans les territoires par les Chambres d’Agriculture ou autres organismes d’accompagnement. Autrement, n’hésitez pas à vous former chez des houblonnier·ères déjà installés en faisant des stages !
Par la suite, certains parcours de formation existent pour se former plus techniquement aux étapes clés de la culture. La formation houblonnier bio à Obernai vous permet de valider un UCARE du diplôme du BPREA. Pour rappel, ce diplôme vous donne accès à la Capacité Professionnelle Agricole et donc à la Dotation Jeunes Agriculteurs.
Il y a également le parcours houblonnier à Sainte-Livrade-sur-Lot animé par HOPEN – Terre de houblon, qui propose différents modules de formation tout au long de la saison. Vous aurez l’opportunité de participer à des formations sur la taille du houblon, la mise au fils, la gestion des maladies ou encore les travaux de récolte et post-récolte.
Une fois les parcelles installées chez vous, un accompagnement technique personnalisé peut être d’une grande aide pour vous accompagner sur du plus long terme.
3. La culture du houblon, quelle rentabilité ?
Les chiffres d’une houblonnière
En France, le houblon non seulement local, mais aussi bio est une matière première très recherchée par les brasseurs. Son prix au kilogramme oscille entre 20 et 35€ pour du conventionnel et entre 30 et 50€ par kilo pour du houblon bio. Avec un rendement de 1 200 kg à 1 800 kg en fonction des variétés et du type de culture (compter 20% de rendement en moins pour le houblon bio), le·la houblonnier·ère peut espérer faire un chiffre d’affaires allant de 24 000 € à 50 000 € à l’hectare. Le revenu espéré des cultures de houblon est donc très variable.
Bien que le houblon représente un potentiel de revenu attrayant, l’installation d’une houblonnière sur 1 à 5 hectares demande un investissement initial important. Il faut être en mesure de s’équiper pour une culture en hauteur et le coût du matériel dépendra de votre capacité à bricoler. Quoi qu’il en soit, si vous souhaitez vous diversifier ou vous installer il vous faudra compter entre 150 000 € et 250 000 € pour une houblonnière de 3 hectares. Il est conseillé d’être accompagné·e par une structure spécialisée qui vous permettra de vous aiguiller sur les bons investissements et vous appuyer auprès des banques qui ne connaissent pas encore le potentiel de rentabilité.
Les investissements pour créer une houblonnière
La liste (non exhaustive) des coûts que vous devez prendre en compte pour une installation :
- Poteaux
- Plants
- Câbles
- Quincaillerie
- Montage de la structure par une équipe (optionnel, mais recommandé)
- Préparation du sol
- Irrigation en goutte-à-goutte enterré
- Tracteur arboricole (taille inférieure à 2 m idéalement)
- Pulvérisateur arboricole
- Bras porte-outil
- Tailleuse
- Butteuse
- Ebrousseuse
- Remorque de récolte
- Bras de récolte
- Trieuse
- Séchoir et son matériel
- Presse
- Matériel de stockage
À cette liste s’ajoute celle des consommables comme les cordes de coco, les fertilisants, les produits phytosanitaires, combustibles, l’eau, …
Pour être rentable, nous conseillons de planter au moins 3 hectares et d’investir dans du matériel de qualité puisque la charge de travail et la qualité du houblon en dépendent. Selon la capacité du matériel de récolte, vous pourrez aller jusqu’à 6 ha. Pour limiter les investissements, vous pouvez acheter en occasion ou vous tourner vers les CUMA. Mais cultiver le houblon reste nouveau en dehors de l’Alsace et des Hauts-de-France ce qui rend le matériel d’occasion peu disponible.
Les débouchés du houblon
Économiquement, cette matière première possède une multivalorisation dans bien des domaines différents dont la liste s’élargit à mesure des avancées technologiques. À ce jour, on l’utilise principalement dans la bière, mais ses propriétés sont également utiles en phytothérapie, en agroalimentaire et en cosmétiques.
- En 2021, 95 % de la demande en houblon est destinée au marché brassicole. Pour fabriquer de la bière, il faut suivre le Reinheitsgebot que les Français traduisent par « le décret sur la pureté de la bière ». Un décret édicté par le duc Guillaume IV de Bavière prescrivant les standards dans la fabrication et la commercialisation d’une bière. Pour fabriquer une bière, les seuls ingrédients autorisés par le texte étaient l’orge, le houblon et l’eau. La levure n’était pas mentionnée, car l’existence des micro-organismes était encore inconnue. Aujourd’hui, la liste des ingrédients requis pour faire une bière est du malt, du houblon, de l’eau et des levures.
- En phytothérapie, le houblon possède des effets bénéfiques notamment sur le sommeil et l’anxiété. Il est conseillé de l’utiliser en infusion avec de la valériane et du miel pour couper l’amertume. Il faut utiliser le houblon humulus lupulus et ne pas confondre avec le humulus japonicus destiné pour de l’ornemental.
Les phytoestrogènes contenus dans le houblon en font un ingrédient recommandé pour soulager les effets causés par la ménopause ou des menstruations.
On lui accorde également le pouvoir d’un puissant antioxydant, le xanthohumol, qui en fait un allié de taille dans la prévention contre les cancers du sein, du côlon et des ovaires. - Dans l’agroalimentaire, ils sont étudiés pour leur pouvoir amérisant, mais aussi comme alternative aux antibiotiques, puisque les acides bêta contenus dans les cônes ont des propriétés antimicrobiennes et le xanthohumol à lui des propriétés antivirales et antioxydantes.
- Les autres molécules contenues dans la plante présentent des opportunités d’innovation dans de nombreux secteurs et qui ne demandent qu’à être découvertes ou étudiées.
Pour en savoir plus sur la culture du houblon
Il y a peu de littérature sur la culture du houblon en France. Voici quelques éléments pour vous guider dans vos recherches (dont des livres en anglais) :
- Hops de R.A Neve – 1991
- Hops production de Vaclav Rybacek – 1991
- For the love of hops : The practical guide to Aroma, Bitterness and the culture of Hops – Broché – 16 décembre 2012
- The new IPA : Scientific guide to Hop Aroma and Flavor – Broché – 22 mai 2019
- Le livre blanc de Hopen Houblon : le guide du houblonnier
- “La culture de Houblon Bio, référentiel technico-économique en Auvergne Rhône Alpes” assez détaillé
sur la conduite technique du Houblon - Fiche technique sur la production de houblon bio proposée par la filière brassicole bio d'Occitanie
Des vidéos :
- La chaîne YouTube de Hopen Houblon : HOPEN houblon – YouTube
- Une série de vidéos sur le houblon en agroécologie par Ver de Terre Production – Le houblon agroécologique ! Ep.1/3, avec Alain Canet & Hervé Coves