1. Explorer toutes les dimensions de son projet
Le premier point important de la formation “De l’idée au projet” est l’accent qui est mis sur le fait d’avoir une vision et une maîtrise globale de son projet. Les premières sessions insistent sur l’importance d’identifier toutes les dimensions de notre projet et non pas de réfléchir uniquement aux valeurs éthiques ou aux aspects pratico-pratiques du modèle économique. Naturellement on a tendance (selon son caractère) à se concentrer sur une ou deux dimensions et ensuite oublier les autres. Or le projet ne peut aboutir que si toutes les sphères ont été abordées. Et la phase d’émergence est le moment idéal pour aller explorer tous les aspects. Comme il a été dit pendant une visite, “ce n’est pas quand tu es dans le jus, un an après l’installation que tu réfléchis à ta charte de valeurs et à ta mission globale”. Je me suis par exemple rendu compte que j’avais tendance à penser mon projet “hors-sol”, sans étudier sa réalité dans le territoire.
Voici un découpage possible d’un projet agricole en 5 dimensions :
- Éthique : vos valeurs, la mission du projet, votre charte, les objectifs
- Technique et opérationnelle : aspects techniques, infrastructures nécessaires, fournisseurs, public visé, etc.
- Productives : organisation du travail, modes de financement, aides à l’installation, débouchés, prix, etc.
- Structuration juridique : statut juridique, mode fiscal, gouvernance, etc.
- Dimension territoriale : concurrence ou complémentarité du territoire, besoins de la population, partenaires potentiels, type de débouchés existants, foncier disponible, etc.
À ces dimensions s’ajoute un autre élément essentiel : l’adéquation personne projet (quels sont vos besoins, votre capacité de travail, vos compétences actuelles et celles à acquérir, les formations agricoles à effectuer, vos projets annexes, etc.).
Les outils de visualisation graphique permettent de s’assurer que nous avons bien réfléchi à tous les éléments. Le but n’étant pas de traiter chaque point de chaque dimension en une fois mais de prendre conscience qu’il sera nécessaire, à un moment donné, de prendre en compte chaque élément.
2. Faire des allers-retours entre sa feuille et le terrain
Autre élément différenciant et rafraîchissant de cette formation “De l’idée au projet” : ce n’est pas une formation qui se subit à coups de PowerPoint et de cours magistraux. Elle s’incarne ! Que ce soit par les exercices qui nécessitent du mouvement et qui permettent d’activer notre cerveau différemment, les visites de plusieurs heures faites auprès de membres du réseau de La Marmite et les stages courts que l’on est fortement encouragé·e à faire entre deux sessions en présentiel pour confronter ces idées à la réalité.
L’accent est sans cesse mis sur la nécessité de créer son réseau, de visiter de nouveaux lieux, de poser des questions aux personnes déjà en place afin de ne pas créer un projet complètement déconnecté du réel. Et puis à chaque fois que l’on va à la rencontre de projets sur le terrain, c’est important de prendre un temps pour noter et analyser les enseignements que l’on en a tirés, les interrogations que cela a suscitées ou les ressources découvertes !
3. Réveiller les bonnes interrogations
Si je suis rentrée dans cette formation “De l’idée au projet” avec une multitude de questions, je n’en suis pas sortie avec une foule de réponses. Et pourtant j’ai énormément avancé ! Pourquoi ? Parce que des questions en ont réveillé d’autres ! Et surtout j’ai l’impression d’avoir fait émerger les bonnes interrogations pour avancer dans mon projet. Et je sais qu’au fur et à mesure des points d’étapes que j’ai posés sur le papier certaines questions vont se résoudre et d’autres vont se former. C’est important d’accepter que tout au long du parcours, de nombreuses questions vont apparaître et qu’on ne pourra pas les résoudre tout de suite.
Une chose est sûre, si vous ne vous posez quasiment aucune question sur votre projet agricole, c’est que vous devez absolument aller faire cette formation “De l’idée au projet” car un projet sans doutes, zones de flou et interrogations n’existe pas ! Donc n’ayez pas peur des questions ouvertes, vous les fermerez en temps et en heure.
4. Profiter du groupe
“De l’idée au projet” est une formation qui se fait en groupe. Vous pourriez penser que cela en minimise la portée, qu’un projet se construit plutôt dans des formations individuelles ou seul car cela permet d’être plus efficace et de ne pas travailler sur d’autres projets que le sien. Il est évident que sur certains éléments vous devez faire le travail seul·e ou être accompagné·e individuellement. Cependant à ce stade de votre projet, celui de l’émergence, l’apport du groupe est extrêmement enrichissant.
- Tout d’abord vous découvrez les projets d’autrui et via ceux-ci d’autres manières de voir, de procéder ou de prendre les décisions. Si vous avez un projet de paysan boulanger, vous pouvez vous dire qu’un projet de jardin maraîcher pédagogique est à 1000 lieues du vôtre. Et pourtant la personne qui porte ce projet aura peut-être une approche de la communication autour dudit projet qui pourra vous aider pour le vôtre. Ce n’est qu’un exemple, mais plusieurs fois je me suis retrouvée à prendre des notes sur les autres projets qui m’entouraient car certaines réflexions ou idées éclairaient les miennes. Si vous connaissez peu votre territoire et que certaines personnes de la formation y sont depuis une dizaine d’années, ils ou elles auront beaucoup d’informations précieuses à vous transmettre !
- Faire une formation en groupe c’est aussi faire les visites à plusieurs, celles organisées par la formation ou celles que l’on organise ensemble, et cela apporte beaucoup de valeur ajoutée : déjà un·e agriculteur·rice se rendreq plus facilement disponible pour un groupe qui fait des visites dans le cadre d’une formation (même si ce n’est pas organisé par la formation). De plus, ceux et celles qui vous accompagnent penseront sûrement à des questions que vous n’aviez pas envisagées. Vous retirerez donc davantage d’informations de la visite que si vous n’aviez été seul·e.
- Ensuite, autre point très positif à la formation de groupe : celui du soutien moral ! On en parlera un peu plus tard mais la courbe de progression d’un projet n’est absolument pas une courbe en croissance permanente, il y aura forcément des moments de doute et de mou et ce même au cours des trois mois de formation. Avoir un groupe à qui vous pouvez confier vos doutes et moments de découragement est un atout précieux. Étant eux-mêmes porteurs de projet agricoles, ils sauront comprendre ce que vous traversez et vous épauler. Le groupe pourra aussi réfléchir ensemble à trouver une solution à un point bloquant particulier et mettre à profit l’intelligence collective pour vous faire avancer !
- Dernier volet qui fait pour moi la force d’une formation en groupe c’est que vous vous retrouvez régulièrement à expliquer votre idée à plusieurs personnes différentes et sous des formats et des angles différents. Et au fur et à mesure de votre formation vous verrez votre formulation évoluer. Cela vous force à structurer et penser suffisamment votre projet pour qu’il soit intelligible et compréhensible par autrui. Et faire cela vous permet de mettre le doigt sur des zones confuses de vos idées et les travailler davantage. Le groupe vous posera aussi de nombreuses questions et c’est un excellent exercice pour s’assurer que vous couvrez bien tous les aspects de votre idée. Enfin, ce groupe, n’est pas constitué de vos ami·es ou vos proches, donc même si tout se fait avec beaucoup de bienveillance ils n’ont aucune obligation affective de soutenir votre projet et de ne pas émettre des remarques sur sa viabilité ou pertinence. Cela permet d’avoir un avis extérieur de personnes qui ne vous connaissent pas et donc qui voient uniquement ce que vous mettez sur la table. Et c’est un très bon entraînement pour de futures présentations devant les acteurs du monde agricole !
5. Garder l’élan
L’avantage d’une formation comme “De l’Idée au projet” c’est qu’elle nous permet de nous concentrer sur notre projet pendant plusieurs journées en nous détachant de notre quotidien et de nos autres impératifs. Cette dynamique est très bénéfique à votre projet et elle est plus compliquée à garder une fois la formation terminée et que vous vous retrouvez à nouveau seul et dans votre rythme habituel.
Tout d’abord c’est normal que le rythme d’avancée ralentisse un peu après la formation, vous avez aussi besoin d’un peu de temps pour intégrer les enseignements de la formation. Mais c’est important, qu’au cours de la formation vous mettiez en place des outils pour pouvoir garder le dynamisme et continuer à faire avancer votre projet agricole.
Déjà, si l’on ne vous l’a pas demandé pour la formation, forcez-vous à construire un petit dossier écrit qui reprend les grandes lignes de votre projet post-formation. Qu’avez-vous retiré des visites et des éventuels stages ? Quelle dimension vous faut-il travailler ? Relisez le dossier tous les deux mois et mettez-le à jour : qu’est ce qui a changé, quelles nouvelles informations avez-vous trouvées ? Quelles rencontres avez-vous faites ?
Continuer à rencontrer des personnes, passer des coups de fil, envoyer des mails : multipliez les contacts dans le monde agricole pour mieux saisir les subtilités du parcours d’installation mais aussi de l’activité agricole à laquelle vous vous destinez. C’est important de rester dans cette dynamique active de rencontres ! Si possible, gardez contact avec votre promo, à plusieurs c’est plus simple de se motiver pour avancer, prévoir des moments de rencontre et de bilan peut être un bon moyen de se forcer à avancer dans son coin.
Et surtout fixez-vous des échéances ! Anticipez les prochaines étapes et donnez-vous des dates butoirs pour avoir des objectifs clairs.
6. Accepter le rythme du projet
Comme pour tout projet, un projet d’installation agricole suit une courbe de progression qui est tout sauf linéaire. Certain·es y associent un rythme sinusoïdal : des hauts (concrétisation, passage d’une étape, enthousiasme, énergie, etc.) et des bas (retard, déception, obstacle financier, baisse de motivation, doute, manque d’énergie, etc.) avant d’arriver à l’objectif. Nous préférons y associer une courbe “en hélice”, sur le même principe de l’agriculture synthropique : chaque boucle amène un peu plus haut et chaque ralentissement nous fait descendre un peu moins bas ! Car il est rare de faire un retour en arrière total sur un projet, en général vous aurez progressé sur de nombreux aspects.
Lors des ralentissements, remémorez-vous le point de départ et listez toutes les avancées que vous avez faites sur les différentes dimensions du projet, ne serait-ce que sur la connaissance de vous-même !