Quelques éléments de définition de l’élevage pastoral
Qu’est-ce que le pastoralisme ?
Le pastoralisme regroupe les activités d’élevage valorisant, par un pâturage extensif, les ressources fourragères spontanées des espaces naturels appelés communément parcours et alpages.
Les surfaces pastorales sont non cultivées et ne peuvent pas supporter d'activité agricole. Uniquement valorisées par le pâturage des animaux, elles se trouvent sur un sol superficiel marqué par le relief ou le microrelief et comportent une végétation diversifiée (herbe fine, grossières, arbustes). Les types de surfaces pastorales s’expriment en fonction de l’altitude d’une région et sont typiques des climats à fortes contraintes (méditerranéen, montagnard).
L’élevage pastoral gère des surfaces importantes que l’on classe souvent en deux catégories : les parcours et les estives. L’utilisation des surfaces pastorales répond aux besoins alimentaires d’un troupeau et s’étale dans le temps et dans l’espace en fonction des systèmes d’exploitation, de l’altitude, des versants utilisables, etc.
Le système pastoral
Le pastoralisme articule le système de production et le système d’exploitation grâce au triptyque suivant : .
- Troupeau : Il va être conduit en fonction de la race des animaux, de ses effectifs, de sa composition, des mouvements nécessaires par rapport à une ou plusieurs productions voulues (viande, fromage, lait).
- Ressources : Les ressources alimentaires, quant à elles, sont constituées des surfaces pastorales, des cultures pâturées ou récoltées et distribuées, accompagnées des ressources matérielles représentées par les bâtiments et les machines.
- Humain : l’éleveur et le berger vont participer à l’organisation du travail, à la conduite du troupeau, à l’utilisation des ressources et à la mise en œuvre de toutes les pratiques jusqu’au produit final.
Pourquoi choisir un système pastoral pour son élevage ?
Les avantages
Pour résister aux bouleversements techniques, économiques, écologiques et sociaux, l’élevage cherche à limiter les intrants, coûteux et énergivores, et doit se réconcilier avec les bases écologiques de ses “fondamentaux” : conjuguer processus biologique de l’animal et processus végétal pour faire “avec”.
Dans les régions pastorales, l’élevage est confronté à des difficultés spécifiques. La mise en place d’une conduite pastorale est tout à fait pertinente pour améliorer la gestion des prairies et les systèmes fourragers d’autres régions moins enclines culturellement à ces pratiques, en particulier dans un contexte de changement climatique.
Pâturage des reports sur pieds, valorisation de la végétation en période de pousse sont autant de pratiques pastorales qui visent à la fois l’entretien des surfaces, la sécurisation et la qualité fourragère et la réduction des coûts.
La stratégie consistant à la mise en place de parcours pour son troupeau permet de valoriser, par la conduite des animaux, les couverts arbustifs, les plantes herbacés et les zones forestières.
La mise en place d’une conduite de troupeau en système pastoral permet de s’affranchir des aléas climatiques ou tout du moins d’en atténuer ses effets tout en minimisant ses intrants. Elle permet à l’éleveur de développer sa relation avec le troupeau et sa domesticité.
Les questions à se poser
Tout éleveur-berger doit évaluer les surfaces qui lui sont proposées et questionner son système d’exploitation pour estimer la faisabilité du projet et les adaptations nécessaires.
- Quelles sont les ressources pastorales disponibles autour de l’exploitation ?
- Quelle disponibilité de l’éleveur ou quelle capacité financière pour employer un berger/vacher ?
- Quels travaux à prévoir pour faciliter l’accès des animaux (débroussaillage, coupe de bois, amélioration du potentiel fourrager) ?
- Quels sont les équipements (clôture, abreuvoir, chien de troupeau, chien de protection) nécessaires ?
- Comment se fera la conduite du troupeau (lots ou troupeau entier) en fonction des différents stades et états physiologiques ?
- Quels sont les impacts sur le temps de travail ?
- Quelle race choisir ?
Pastoralisme et transhumance
Alimentation du troupeau et transhumance
En parallèle des problématiques de production, l’éleveur doit développer un système d’alimentation. Il doit mettre en œuvre un ensemble de pratiques et de stratégies pour satisfaire les besoins nutritionnels du troupeau. En effet, tout au long du cycle de production, les différents états physiologiques des animaux se succèdent et induisent des besoins nutritionnels plus ou moins importants (dits “d'entretien” ou “supplémentaires”).
La transhumance, pratiquée depuis des millénaires, vient répondre aux besoins des éleveurs d’une herbe abondante en été pour les troupeaux, disponible en altitude. La transhumance est l’un des événements clés de l’élevage pastoral. Il consiste en un déplacement saisonnier du troupeau lui permettant de s’adapter à la dynamique naturelle des surfaces pastorales qui sèchent en plaine dès le mois de juin et sont donc plus facilement valorisables en altitude jusqu’au mois d’octobre (et le retour des pluies en plaine).
Bien que la transhumance estivale soit la plus connue, la transhumance hivernale existe également (déplacement des troupeaux de Savoie dans le Var en hiver par exemple).
Les éleveurs de bovins laitiers de Savoie ayant de grosses contraintes climatiques avec la neige l’hiver, envoient pour certains, une partie ou toutes leurs génisses de renouvellement pâturer dans le sud-est de la France, libérant ainsi de l’espace dans leurs étables. Cela leur permet également de limiter le stock de production ou d’achat fourrager pour entretenir des animaux non productifs.
La transhumance, un savoir-faire ancestral
Depuis juin 2020, la transhumance pratiquée par les bergers et les éleveurs français est reconnue comme patrimoine culturel immatériel (PCI) en France. Cette reconnaissance est une première étape importante avant l’organisation d’une candidature internationale pour une reconnaissance de la transhumance comme Patrimoine culturel immatériel de l'humanité (Unesco).
En France, la transhumance est pratiquée dans les Pyrénées, les Alpes, le Massif Central, la Corse, les Vosges et le Jura. Ces territoires de haute et moyenne montagne offrent de vastes étendues très appréciées des brebis, des moutons et des vaches qui y pâturent une grande partie de l’année. Grâce aux troupeaux et à l'estivage, ces terres ne sont pas envahies par les broussailles. Elles sont riches d’une grande biodiversité et créent une mosaïque de paysages et de terroirs d’exception à l’origine de 50 Appellations d’Origine Protégée (AOP) et de 35 Label rouge en viande et fromage.
Ce déplacement saisonnier de troupeaux fait l’objet de savoir-faire ancestraux.
Les éleveurs et les gardiens de troupeaux pastoraux partagent les mêmes objectifs : alimenter chaque jour le troupeau et assurer le bon renouvellement des ressources fourragères. Ces métiers sont complémentaires et hautement techniques. Ils impliquent des tâches comme le gardiennage des troupeaux, la gestion des ressources fourragères, les soins aux animaux et la surveillance en contexte de prédation.
Le pastoralisme, un atout pour les territoires
Produits issus du pastoralisme : des fromages et des viandes sous labels
Le pastoralisme bénéficie de nombreux atouts valorisables dans les territoires et, dans un contexte de recherche de souveraineté alimentaire, de réponses aux enjeux sociétaux de demain. Grâce à la valorisation de surfaces où il n'y a aucune culture possible, l'élevage pastoral permet la production de denrées de qualité et labellisées (AOP, AOC...), grâce à une conduite respectueuse du bien-être animal, économe en eau et sans ajout d'intrants. L’emploi pastoral est également créateur d’une économie locale importante puisque les chiffres moyens nationaux mettent en lumière la production de 9 UTH pour 1 UTH éleveur. À titre d’exemple, ce sont plus de 800 bergers d’estive salariés qui sont employés chaque année à l’échelle du massif alpin.
Des services territoriaux rendus
Façonnant les Alpes depuis plus 6 000 ans, le pastoralisme fait partie de l’identité de nos territoires et crée une réelle attractivité touristique. À travers l’activité des troupeaux, les paysages se sont modelés au gré de l’ouverture des milieux, de la conservation de la biodiversité des pelouses et des collines, de l’alternance entre plaines et montagnes pâturées et de la forte composante culturelle associée. L’attractivité touristique des milieux pâturés n’est plus à prouver : ce sont bien les milieux façonnés, entretenus, gérés par les troupeaux domestiques qui attirent aujourd’hui les randonneurs, protègent les skieurs des avalanches et permettent à de larges publics de profiter des massifs.
Une rétro-innovation dans un contexte de changement climatique
Dans un contexte de changement climatique, le pâturage par les troupeaux participe à la défense des forêts contre les incendies en diminuant la matière sèche combustible et en évitant les interventions mécaniques de débroussaillement systématiques.
De plus, en mobilisant des races locales à faible effectif, le pastoralisme soutient des formes de biodiversité animale domestique. Ainsi dans certains systèmes pastoraux basques, les brebis de races locales manex têtes noires pâturent en liberté collines et montagnes six mois de l’année. Les agnelles de renouvellement sont laissées sous la mère la première année dans des zones de pâturage pastoral. Elles restent à l’écart du troupeau principal tandis que le troupeau productif est ramené pour la traite, d’abord à la ferme pour les terres pastorales de proximité puis dans les cayolars (cabanes de berger) pour les surfaces les plus éloignées. Le fromage d’estive AOP Ossau-Iraty qui en est issu est réputé et recherché par les crémiers.
Concernant la biodiversité, la pratique du pâturage permet la constitution d’une mosaïque de milieux permettant l'expression d’une biodiversité associée, bien souvent remarquable et protégée à divers titres (européens, nationaux, locaux).