1. Définition et particularités de l’arboriculture
L'arboriculture fruitière et productive consiste à créer et entretenir un verger d'arbres fruitiers. Cette activité s'envisage très différemment des autres ateliers agricoles. Et ce pour trois raisons :
- C’est une culture pérenne : une fois mis en terre, les arbres peuvent vivre vingt, trente, parfois cent ans… D’où l’importance fondamentale de bien préparer la phase de plantation ;
- C’est une culture qui demande de la patience… et une bonne trésorerie en début de projet : alors que les chantiers de plantation d’arbres et leur entretien sont coûteux, ils mettent jusqu’à 10 ans avant d’atteindre leur rendement optimal. On vise alors à accélérer la mise à fruits ou adopter des productions complémentaires ;
- C’est une culture rentable mais risquée : en rythme de croisière, les arbres fruitiers ont des rendements importants, et assurent un revenu confortable à l’arboricultrice ou l’arboriculteur. Cependant, on peut tout perdre en une nuit de fort gel alors que les arbres sont en fleurs… L’arboriculteur·ice a donc tout intérêt à choisir des variétés diversifiées, notamment à floraisons tardives, et même d’adopter une protection antigel dans son système productif.
2. Se lancer dans l’arboriculture
Le choix du terrain
Avant toute chose, assurez-vous que votre sol a des propriétés favorisant la culture fruitière :
- un sol limoneux, riche en matière organique ;
- un sol drainant pour éviter l’asphyxie racinaire ;
- un sol profond pour favoriser l’enracinement des arbres.
Le choix des essences d’arbres
Quelques conseils pour choisir les essences de vos arbres (pommiers, poiriers, abricotiers…) :
- Cette essence est-elle adaptée à mon type de sol et à mon climat ?
- Le sera-t-elle toujours dans quelques années, avec les prévisions de changement climatique ?
- Cette essence a-t-elle un marché possible de consommateurs ?
Appuyez-vous sur les expériences et savoirs-faire des pépiniéristes arboricoles locaux. On en trouve de moins en moins mais certain·es ont des connaissances approfondies de chaque essence d'arbre et pourront vous guider.
Le choix de la variété et du porte-greffe
On ne le sait pas toujours, mais les arbres fruitiers en système productif sont greffés : ils sont constitués d’une part d’un porte-greffe, qui comprend la partie racinaire, sélectionné pour ses vertus de vigueur et d’adaptation aux différents types de sol, et la variété, greffée sur le porte-greffe en pépinière et sélectionnée pour ses propriétés gustatives, esthétiques, de facilité de conduite ou de résistance à certains ravageurs.
Avant de vous lancer dans la plantation, recueillez le plus d’informations possibles auprès de votre pépiniériste sur les scions disponibles : quelle variété choisir ? Quel porte-greffe ? Posez-vous aussi la question de comment conduire vos arbres une fois qu’ils auront grandi, quel rendement viser, pour quels circuits de distribution… Répondre à toutes ces questions vous permettra de choisir parmi les différents types de verger.
Le choix de la conduite du verger
Rapide coup d’œil sur les deux types de vergers les plus classiques en arboriculture :
- Le verger intensif, ou verger palissé classique
Assolement : environ 1 500 arbres/ ha
Densité de plantation (pour un verger de pommier) : 4m entre les lignes, 2m sur la ligne
Hauteur d’arbre : basse tige
Porte-greffe : nanifiant
Mise à fruit : rapide
Conduite : besoin de tuteurage, palissage, irrigation…
- Le verger extensif, ou verger de plein vent
Assolement : environ 500 arbres/ ha
Densité de plantation (pour un verger de pommier) : 10m entre les lignes, 10m sur la ligne
Distance entre les lignes : 10 m
Distance dans les lignes : 10 m
Hauteur d’arbre : haute tige
Porte-greffe : vigoureux
Mise à fruit : plus longue
Conduite : arbres plus autonomes, mais difficultés pour tailler et récolter à hauteur
Quel que soit le type de verger qui aura votre préférence, le chantier de plantation comprend :
- La préparation de sols, avec le passage d’une sous-souleuse afin de casser la semelle de labour ;
- L’amendement du sol en matière organique, avec l’apport d’environ 40T de fumier/ha ;
- Dans le cas de verger intensif, l’installation du système de palissage, notamment les pieux ;
- Et bien sûr, la plantation des scions, avec un pralinage préalable des racines et une irrigation importante et régulière après plantation.
3. Arboriculture et agroforesterie : le choix de la diversification
Il peut également être intéressant d'envisager son verger comme un atelier de diversification sur une ferme avec d'autres activités agricoles. Cela permet d'avoir de la trésorerie pour les premières années sans production de fruits et de limiter les risques en cas de perte de récolte. Attention cependant à ne pas minimiser les besoins en main d'oeuvre notamment pour les récoltes.
L'agroforesterie peut apporter beaucoup de bienfaits à vos sols, cultures et cheptels. Cependant il faut être conscient·e qu'un verger conçu sur un modèle agroforestier sera forcément moins productif que sur un modèle simple en lignes et groupés (moins d'arbres et plus dispersés).
Voici quelques exemples de diversification en utilisant l'agroforesterie :
- des allées fruitières entre les jardins de cultures en maraîchage pour faire un verger maraîcher ou en PPAM ;
- un pré verger en élevage ovin ou même bovin ;
- un parcours arboré pour des poules en poulailler mobile.
3. Le quotidien d’un arboriculteur : une année au rythme des arbres
Les tâches en arboriculture évoluent au rythme des saisons, et comprennent deux temps forts : la taille en hiver, et la cueillette en été ou automne. Ces activités nécessitent bien souvent le recours à une main-d’œuvre saisonnière.
La taille : de novembre à mars
La taille a plusieurs avantages : elle limite le phénomène d’alternance des arbres fruitiers (qui produisent naturellement beaucoup de fruits une année, puis peu l’année suivante et ainsi de suite). Elle favorise aussi une meilleure aération de l’arbre et un meilleur ensoleillement, pour éviter les maladies et favoriser la fructification. Enfin, elle permet d’allonger la durée de productivité d’un arbre, en éliminant les parties abîmées ou mal placées.
Il existe aussi une taille « en vert » durant l’été, qui permet d’accélérer la mise à fruit des rameaux de l’année sur les fruits à pépins, et une « taille de formation » au printemps qui consiste à favoriser un port robuste de l’arbre dans ses premières années, avant d’être pleinement productif.
L’entretien : de mars à octobre
C’est la phase située entre la taille et la cueillette, qui protège l’arbre face aux agressions, l’irrigue si nécessaire et favorise sa production fruitière.
Cela passe notamment par :
- les traitements phytosanitaires, afin de renforcer les défenses de l’arbre, ou bien d’empêcher la prolifération de champignons ou de ravageurs ;
- la lutte biologique, avec le piégeage de ravageurs ou bien l’accueil d’auxiliaires de cultures ;
- l’éclaircissage, pour enlever certains fruits des arbres, afin d’augmenter le calibre des fruits restants.
La cueillette et le conditionnement : d’août à novembre
Ça y est, les fruits sont prêts à être cueillis ! C’est le temps de la cueillette, qui nécessite le recours à des saisonniers, car les volumes sont importants et la période courte.
Organisation et soin porté aux fruits sont les maîtres-mots pour une cueillette réussie ! Déposés dans des cagettes ou des palloxs, les fruits sont ensuite acheminés vers des hangars de stockage où ils sont triés, calibrés selon leur taille, stockés à température optimale, envoyés en transformation ou bien conditionnés pour la vente.
La commercialisation : d’août à mars
Selon la durée de conservation des fruits (qui peut aller jusqu’à plusieurs mois), la commercialisation s’étale dans le temps. On peut alors privilégier des circuits de distribution en vente directe ou en paniers hebdomadaires par exemple -à condition d’avoir de grandes chambres froides pour stocker ces volumes à bonne température.
Pour les gros volumes plus périssables, on privilégie les circuits longs, via des coopératives et des grossistes, qui gèrent ensuite eux-mêmes la distribution jusqu’au consommateur final.
4. Quel équipement en arboriculture ?
L’arboriculture nécessite de nombreux équipements, qu’il n’est pas toujours possible de mutualiser, tant leur utilisation est fréquente. Pour limiter les coûts, n’hésitez pas à en chercher d’occasion. Il est possible aussi d’intégrer une CUMA pour la mutualisation des outillages à utilisation moins fréquente.
L’équipement indispensable :
- Tracteur 50cv, notamment à cabine fermée
- Pulvérisateur ou atomiseur
- Broyeur
- Herse étrille
- Débroussailleuse
- Sécateur
- Calibreuse à fruits
- Palloxs ou caisses de récolte
- Chambre froide
- Local phyto
L’équipement mutualisable ou optionnel :
- Sous-soleuse pour les plantations
- Enfonce pieu
- Plateforme de récolte
- Filets anti-grêles
5. Faut-il un diplôme pour être arboriculteur ?
Ce n’est pas obligatoire pour exercer, mais c’est fortement conseillé pour vous permettre d’accumuler connaissances théoriques et pratiques via les stages. On peut faire le choix de l’arboriculture à tout âge.
Quelle formation pour commencer l'arboriculture ?
En voici quelques unes de diplômantes :
- BPREA, brevet professionnel responsable d’entreprise agricole, avec spécialité arboriculture notamment à Nantes ou Angers (avec possibilité de le suivre à distance) ;
- Bac pro productions horticoles ;
- Licence professionnelle productions végétales ;
Il existe aussi de nombreuses formations courtes dispensées localement. Renseignez-vous auprès de votre Chambre d’Agriculture ou votre Groupement d’Agriculteurs Biologiques.
À noter, que si vous vous voulez bénéficier d’une priorité d’accès au foncier agricole et des aides à l’installation comme la DJA (Dotation Jeune Agriculteur·rice) il vous faut suivre le parcours à l’installation de la Chambre d’Agriculture et avoir pour cela votre Capacité Professionnelle Agricole (et donc un diplôme agricole de niveau 4).
6. En savoir plus sur l’arboriculture
Lire –
- Verger bio, arbres et arbustes d’Alain Niels Pontoppidan chez Terre vivante
- Créer et entretenir un verger permaculturel, de Julien Mercher chez Eugen Ulmer Eds
- Des médecines douces pour vos fruitiers, de Jean-Luc Petit chez Terre vivante
- PurProjet, Ecosia ou Desenfants et des arbres pour un soutien financier à la plantation d’arbres
- Pour préparer au mieux son chantier de plantation https://agrifournitures.fr/18-palissage-plantation
Regarder –
- Produire des fruits sans pesticides ? C’est le pari de l’INRAE dans le verger expérimental circulaire de Gotheron. À lire également sur le site de l’INRAE.
- Bienvenue aux Fermes Miracle dans le Sud du Québec, un modèle de verger imaginé il y a vingt ans reposant sur le modèle d’un trio vertueux d’essences fruitières.
Écouter –
- Un témoignage éclairant d’arboriculteur sur le podcast de la Clé des Champs, avec Mathieu Tissot, producteur de pommes et poires bio en Haute-Savoie.