Panorama des labels qui comptent dans l’investissement responsable et focus sur le financement de l’agriculture
L’investissement socialement responsable (ISR) et l’investissement à impact progressent fortement ces dernières années. Selon l’Association Française de la Gestion Financière (AFG) et sa dernière étude de 2020, le montant des investissements socialement responsables a encore progressé de 32% sur un an dans un marché globalement en décroissance en 2019. Au global, les montants des fonds ISR représenteraient près de 15% du total des montants de fonds gérés en France. Ces chiffres montrent l’appétit du grand public en France (mais également ailleurs en Europe et dans le monde) pour ces investissements responsables, durables ou à impact. Il reste néanmoins difficile de s’y retrouver parmi toutes les offres d’investissements responsables ainsi que tous les labels et acronymes : ISR, ESG, Finansol, Greenfin,… pour les plus connus en France. Cet article est donc dédié à la compréhension des différents labels d’investissement durable afin de mieux appréhender ce qui se cache derrière chacun d’eux et vous aider à mieux comprendre les produits, entreprises ou fonds dans lesquels vous investissez !
1. L’investissement Socialement Responsable
Qu’est ce que l’investissement socialement responsable ?
L’Investissement Socialement Responsable (ISR) est à la fois utilisé pour expliciter cette démarche d’investissement responsable et c’est également un label en France qui est attribué par certains organismes indépendants.
Le Ministère de l’Économie et des Finances définit la démarche d’Investissement Socialement Responsable comme une application au domaine de l’investissement financier de la notion de développement durable. L’ISR se développe avec l’idée que la prise en compte des critères sociaux, éthiques, sociétaux, environnementaux et de gouvernance permet de mieux identifier les sociétés performantes sur le long terme.
Cette démarche découle de principes anglo-saxons et trouve ses racines dès le XVIIIe siècle avec certains mouvements religieux philanthropiques engagés contre l’esclavage et des actes de violence.
L’ISR peut prendre 4 formes principales :
- La sélection ESG : des fonds intègrent des critères extra-financiers spécifiques (en plus des critères financiers) comme des critères environnementaux ou sociaux (par exemple : l’impact en terme de gaz à effet de serre) pour évaluer des sociétés qu’ils sélectionnent dans leur portefeuille ;
- L’exclusion : des fonds décident d’exclure certains secteurs d’activités ou sociétés pour des raisons morales, ou car elles sont considérées comme dangereuses (par exemple les secteurs de l’armement, du jeu, du tabac…) ;
- L’approche thématique : les fonds n’incluent que des entreprises favorisant certaines pratiques ou un secteur spécifique. Elles font par exemple un focus sur l’énergie verte ou le traitement des déchets ;
- L’engagement actionnarial : les fonds essaient d’agir sur la politique des entreprises dans lesquelles ils investissent en les interpellant ou en faisant valoir leur droit de vote.
Les critères extra-financiers choisis pour noter les sociétés sont majoritairement les critères ESG (Environnement, Social et Gouvernance) sur lesquels nous reviendrons ci-après.
Les critères extra-financiers ESG (Environnemental, Social et de Gouvernance)
Les critères ESG sont les trois piliers les plus communément utilisés comme critères extra-financiers pour noter les sociétés dans leur démarche responsable.
Le critère environnemental peut prendre en compte différents sous-critères comme la gestion des déchets, la réduction des émissions de gaz à effet de serre et de la consommation énergétique, la consommation de ressources non renouvelables, la prévention des risques environnementaux, etc.
Le critère social peut prendre en compte la politique de management, le parité, l’intégration des personnes en situation de handicap, la formation des salarié·es, la qualité du dialogue social, etc.
Le critère de gouvernance concerne plutôt des aspects comme la transparence (décisions, rémunération, …), la relation entre les actionnaires et le comité de direction, la lutte contre la corruption, etc.
Les listes ci-dessus sont des exemples de critères ESG mais ne sont pas exhaustives. Il n’y a d’ailleurs pas, dans la législation, de critères réglementaires précis et harmonisés concernant les critères ESG. Chaque société de gestion ou chaque agence de notation de critères extra-financiers choisit et définit comme elle le souhaite les sous-critères ESG en leur donnant le poids qu’elle estime juste selon sa politique.
Ce manque d’harmonisation des critères ESG entre les différents acteurs de l’ISR est un des problèmes principaux de ce secteur puisqu’il ne permet pas d’avoir une vision claire des différents fonds et rend la comparaison quasi impossible.
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Jean-Benoit Gambet l’explique très bien dans sa vidéo sur l’ISR avec un exemple donnant les notations ESG de Facebook de 3 agences de notation extra-financières très réputées où l’on voit que les notes sont très différentes entre les agences (passant de 0 à presque 100% sur le critère environnemental par exemple entre MSCI et Sustainalytics) :
Quels sont les principaux acteurs de l’ISR ?
De nombreux acteurs publics ou privés s’intéressent à l’ISR (Investissement Socialement Responsable). Ce label est propriété du Ministère de l’Économie et des Finances et il est octroyé par des organismes accrédités par le COFRAC (COmité FRançais d’ACcréditations ).
Les fonds ISR sont distribués par des sociétés de gestion habilitées par l’AMF (l’Autorité des Marchés Financiers). Ces sociétés de gestion peuvent décider de définir leur propre notation extra-financière des entreprises de leur portefeuille, ou bien peuvent s’appuyer sur des agences de notation extra-financières. Ces agences de notation évaluent et notent la politique ESG des entreprises et des gouvernements et vendent ces notes aux gestionnaires de fonds. Il existe une trentaine d’agences de notation ; la principale agence française se nomme Vigeo et les principales au niveau mondial sont FTSE, Sustainalytics et MSCI.
Des indices boursiers se basent également sur les notes ESG données par certaines de ces agences.
Il existe en outre de nombreux organismes de promotion de l’ISR comme Eurosif, réseau européen qui rassemble tous les acteurs de la finance responsable ; l’acteur français FIR (Forum pour l’investissement responsable) en est le représentant national.
Novethic, une filiale de la Caisse des Dépôts et Consignations, analyse l’investissement socialement responsable, communique sur le sujet et évalue les caractéristiques extra financières des fonds ISR.
L’investissement à impact : pour aller plus loin que le “socialement responsable”
L’investissement à impact est la suite logique de l’ISR : il ne s’agit plus simplement de montrer que l’activité de l’entreprise n’a pas causé de tort aux êtres humains (salarié·es ou non) ou à la planète. Il faut prouver qu’elle a un apport positif et durable (avec une contribution à la préservation de la biodiversité par exemple ou bien une facilitation de l’accès aux soins pour tous).
Il n’existe aucune définition à ce stade et aucun label spécifique. De nombreux fonds et de nombreuses initiatives se disent à impact positif en définissant le ou les impacts positifs qu’ils ou elles cherchent à promouvoir ou à atteindre. Cela suppose souvent une transparence forte sur tous les aspects de l’entreprise.
Certains organismes ou certaines associations travaillent sur un moyen de codifier ces investissements à impact mais en attendant qu’une initiative ne se détache vraiment, de nombreux acteurs se réfèrent aux ODD – les objectifs de développement durable – définis lors de la conférence de Rio sur le développement durable en 2012 et adoptés en 2015 par les Nations Unies. En général, les projets à impact sont ceux qui poursuivent au moins 1 des ODD.
Voici les 17 objectifs qui, pour la plupart, sont interdépendants :
2. Les labels de l’investissement responsable
Comme nous l’avons vu en introduction il existe de nombreux labels en France (ISR, Finansol, Greenfin en particulier) mais il en existe également à l’étranger (peu usités en France) qui ont des règles différentes comme par exemple le label FNG-Siegel dans les pays alémaniques, le LuxFlag au Luxembourg, Towards Sustainibility en Belgique ou Nordic Swan Ecolabel dans les pays Nordiques.
Nous nous attarderons seulement sur les labels français dans cet article.
Le label ISR, le plus populaire et le moins contraignant
Le label ISR a été créé en 2016 en remplacement du label ISR Novethic qui avait été créé en 2009. Ce label est décerné par un des 3 organismes accrédités (par la COFRAC) : Afnor Certification, EY France et Deloitte.
Pour être éligible, un fonds doit remplir un ensemble de critères répartis en six piliers :
- Expliquer la démarche et sur quels critères ESG le fond s’engage ;
- Expliquer comment les sociétés du portefeuille sont notées (notation interne ou usage des notes de certaines agences) ;
- Expliquer comment le portefeuille est construit c’est-à-dire comment les critères ESG sont pris en compte (par exemple ne conserver que les entreprises les mieux notées selon les critères choisis ou bien viser une note globale meilleure que la moyenne du secteur) ;
- Expliquer comment la société de gestions engage ses fonds (politique de votes de la société de gestion) ;
- Renforcer la transparence ;
- Mesurer les impacts positifs (et au minimum un critère choisi chaque année).
Un comité du label présidé depuis 2016 par Nicole Notat et composé de nombreux représentant·es des parties prenantes propose aux pouvoirs publics des évolutions sur ce label. Le label ISR est le plus populaire dans sa catégorie et plus de 600 fonds sont labellisés à ce jour pour des montants d’encours de plus de 500 milliards d’euros.
Le label ISR est critiqué pour trois principales raisons :
- Les notes ESG sur lesquelles se base la démarche ne sont pas harmonisées et peuvent donner des grandes disparités selon les sous-critères évalués et selon les agences de notation ;
- Les démarches varient entre les sociétés de gestion et certaines vont s’intéresser spécifiquement à certains critères ESG sans avoir un regard global sur leurs pratiques ;
- En outre, il est souvent difficile, voire impossible malgré la transparence demandée aux sociétés de gestion, de connaître les règles exactes qu’elles ont définies quant aux critères ESG choisis et à la pondération de chacun de ces critères dans la note globale.
Pour bien choisir les fonds ISR dans lesquels investir, il faut donc s’attarder sur la politique du fonds afin de comprendre ce qui importe pour la société de gestion et vérifier que cette politique correspond aux valeurs que vous voulez prôner par votre investissement.
Les fonds thématiques ESG et autres fonds intégrant des critères ESG
La lecture et la compréhension déjà délicate des fonds ISR sont rendues encore plus ardue par le fait que des fonds non labellisés ISR se disent aussi conformes à certains critères ESG. Il existe donc notamment des fonds à thématiques ESG, des fonds intégrant des critères ESG ou des fonds solidaires… Ces fonds choisissent là aussi certaines des thématiques ou certains critères ESG et définissent une politique d’investissement basée sur ces critères ou ces thématiques spécifiques.
Mais là encore il n’existe pas de label ou d’élément normatif concernant ces fonds. Des exemples de ces approches peuvent être par exemple une surpondération d’un critère dans les politiques d’investissement (comme le critère de l’émission des gaz à effet de serre) ou bien des choix spécifiques d’investissements sur des thématiques très précises plutôt considérées comme positives pour un des critères environnementaux, social ou de gouvernance.
Cette approche thématique n’est donc pas assimilable à l’ISR dans la mesure où elle n’est pas combinée aux autres critères du label ISR, mais certains fonds thématiques ont parfois des politiques plus volontaristes que d’autres pourtant labellisés ISR.
Le label Finansol, le label de la finance solidaire
Le label Finansol est le label historique de la finance solidaire. Il a été créé en 1997 pour pouvoir distinguer des produits d’épargne solidaire. Il est attribué par un comité d’experts indépendants issus de la société civile et repose sur des critères de solidarité et de transparence auxquels se sont ajoutés des critères concernant la bonne gestion. Il garantit le financement d’activités à forte utilité sociale et/ou environnementale et permet souvent le financement de produits qui ne pourraient pas l’être par des circuits plus classiques.
Il existe plus de 160 produits d’épargne labellisés Finansol dans des secteurs très variés et prenant des formes très diverses (épargne salariale, FCP, SICAV, actions non cotées d’entreprises solidaires, parts sociales, etc.) et tous ces produits sont répertoriés sur le site du label. L’association Finansol a également pour but de promouvoir les produits labellisés et plus généralement la finance éthique humaine et solidaire au travers d’analyses, d’études et d’événements physiques. Certains investissements dans des produits labellisés Finansol donnent droit à des économies d’impôt sur le revenu comme par exemple l’investissement dans des PME agréées ESUS (agrément de l’économie sociale et solidaire).
Ce label, promu par une association indépendante, est très intéressant car il permet de promouvoir des produits variés et souvent très engagés sur les aspects sociaux, sociétaux et/ou environnementaux.
Le label Greenfin, le label de la finance verte
Le label Greenfin (anciennement “Transition énergétique et écologique pour le climat”) a été créé fin 2015 par le Ministère de la Transition Écologique et Solidaire et a pour objectif de garantir la qualité “verte” des fonds d’investissement grâce à des pratiques transparentes et durables. Contrairement au label ISR, ce label ne s’intéresse qu’au “E” de ESG. Il est donc spécifiquement tourné vers la transition écologique et va un peu plus loin sur les pollutions et externalités environnementales que le label ISR. Plus contraignant sur ces aspects-là, il a en général un impact plus fort sur les distributions d’actifs au sein des fonds labellisés que le label ISR.
Il existe aujourd’hui 58 fonds labellisés pour un montant investi de 17 milliards d’euros. Le label est la propriété des pouvoirs publics et un comité indépendant définit les grandes orientations du dispositif. Ce comité est présidé par le ministère et est constitué de toutes les parties prenantes y compris des associations de consommateur·ices. Trois organismes tiers indépendants sont désignés pour délivrer ce label : Novethic, EY France et Afnor Certification. Le label couvre un large éventail de types de fonds ainsi qu’une large gamme d’activités financées, une part majoritaire devant être réservée à des “éco-activités”. Quelques activités sont également exclues de ces fonds comme la filière nucléaire ou celle de l’exploration ou l’exploitation de combustibles fossiles.
Le fond doit avoir mis en place des mécanismes de mesure d’impact et de contribution effective des investissements et doit être transparent sur ces méthodes et mesures. En particulier les fonds doivent mesurer leur contribution effective sur l’un des 4 domaines suivants : changement climatique, eau, ressources naturelles ou biodiversité. Malgré le caractère plus contraignant de ce label, les critiques concernant les mesures des impacts ESG s’appliquent ici aussi. L’absence d’homogénéité sur ces mesures reste un problème puisque les notes ESG sont la base des mesures d’impact.
3. L’investissement responsable – les labels en agriculture
Maintenant que nous y voyons plus clair dans l’investissement responsable et les labels, qu’en est-il de leur usage dans l’agriculture ? Y-a-t-il d’autres éléments objectifs pouvant entrer en considération et remplacer ou compléter ces labels ?
Quels sont les labels de l’investissement responsable pour l’agriculture ?
Tous les labels décrits plus haut peuvent être utilisés pour des investissements dans le secteur agricole. Certains fonds ISR ou à thématique ESG axent par exemple leurs investissements sur des activités spécifiques comme la réduction de la pollution associée aux activités agroalimentaires, ou des services qui répondent aux défis de la sécurité et de la qualité alimentaire (voir le premier paragraphe de cet article de l’Info Durable).
Certains produits labellisés Finansol sont spécifiquement dédiés à la transition agroécologique. Le financement participatif en agriculture est parfois labellisé Finansol. C’est également le cas de certaines solutions d’investissement dans du foncier agricole comme les foncières solidaires.
Enfin, aucun fond labellisé Greenfin n’est (à ce jour) 100% dédié à l’agriculture même si l’agriculture fait partie des activités financées par de nombreux fonds.
En dehors du label, que regarder pour investir dans l’agriculture ?
De manière générale, l’investissement responsable va souvent plus loin que les labels. Les labels apportent souvent un gage de sérieux (en particulier Finansol et Greenfin, plus contraignants que ISR) mais cela ne suffit pas à s’assurer d’un investissement responsable correspondant à ses attentes et ses objectifs. Il reste important de vérifier la politique précise des fonds ou produits dans lesquels vous investissez pour vérifier que celle-ci correspond bien à vos attentes. La première des questions à se poser est, est-ce que le produit d’investissement vise à améliorer la vie des agriculteurs, la façon de produire, le stockage du carbone, la biodiversité ou enfin une combinaison de ces différents éléments ? Est-ce que le produit promeut certaines pratiques ou certains labels, comme l’agriculture de conservation ou l’agriculture biologique ? Ces aspects sont importants et permettent de dépasser les labels pour bien comprendre ce dans quoi on investit.
D’ailleurs d’autres produits d’investissement non labellisés proposent d’autres grilles de lecture : certaines plateformes de financement participatif comme Lita ont leurs propres règles d’analyse de l’impact pour valider la mise en avant d’une proposition d’investissement. Là encore on retombe sur les aspects sociaux, environnementaux et gouvernance mais avec des règles différentes de celles des autres labels.
Les autres labels et critères à regarder pour l’agriculture
Il existe aussi beaucoup de labels concernant la façon de produire. En particulier pour l’agriculture biologique et régénérative : (sans exhaustivité) le label AB (Agriculture biologique), Nature et Progrès, Demeter, Bio Cohérence, HVE (Haute Valeur Environnementale). Des labels existent également pour ce qui concerne la provenance (AOP, AOC, IGP) ou d’autres labels impactant la façon de produire et de transformer comme le Label Rouge. Encore une jungle de labels, et là aussi pas toujours facile de s’y retrouver. Peut-être l’objet d’un prochain article 😉 !
La clé pour acheter un bon produit c’est de connaître les méthodes utilisées par l’agriculteur·rice qui le cultive. C’est un peu la même chose en investissement, la clé est de connaître la politique d’investissement et la méthodologie pour les choix d’investissement des gérants de produits. Dans les deux cas la transparence est clé et elle seule permet de savoir véritablement ce qui est réellement mis en œuvre.
D’où l’importance des structures transparentes ainsi que l’importance d’éviter les intermédiaires en investissant au plus près de ceux qui en ont besoin.