Créé après la Seconde Guerre mondiale dans l’objectif de protéger et de soutenir les agriculteurs, et d’assurer la souveraineté alimentaire de la France, le statut du fermage est encore aujourd’hui le pilier du régime juridique des baux ruraux.
Ce statut devait permettre de faciliter la mise à disposition des parcelles entre les propriétaires et les fermiers, afin d’aider le développement de l’activité agricole. S’il existe plusieurs formes de baux ruraux, le fermage est largement majoritaire et sera donc le principal sujet de cet article.
Ce premier article, d’un dossier plus long sur le sujet, a pour objectif de vous donner les bases pour comprendre le fermage :
- Quels sont les principes de base du fermage ?
- Quels sont les différents types de baux que l’on peut rencontrer ?
- Existe-t-il des alternatives au bail rural ?
🦔 Dossier spécial sur le fermage
Retrouvez les autres volets de notre dossier sur le fermage :
- [Cet article] Les principes et définition du fermage
- Comprendre son contrat de fermage
- Indice de fermage, comment calculer son montant de fermage ?
🦔 Définition
Le bail rural est le contrat par lequel le propriétaire agricole met à disposition d’un exploitant des terres ou des bâtiments en contrepartie d’un loyer (le fermage), ou d’un partage de récolte (le métayage).
1. Le fermage, depuis quand et pourquoi ?
Née des recommandations du programme du Conseil National de la Résistance (1944) proclamant « l’élévation et la sécurité du niveau de vie des travailleurs de la terre […] par l’établissement d’un juste statut du fermage et du métayage », la loi n° 46-682 du 13 avril 1946 fût votée à l’unanimité. Elle constitue une des pièces maîtresses de la législation applicable au fermage et au métayage.
Elle avait essentiellement pour objet de :
- mettre un terme aux abus dont les fermiers et métayers étaient victimes ;
- limiter les prix des baux à ferme et à métayage ;
- accorder aux fermiers et métayers la sécurité et la stabilité avec des baux de neuf ans renouvelables ;
- donner aux métayers la possibilité de devenir fermiers ;
- permettre aux fermiers et métayers d’accéder à la propriété
Le statut du fermage est aujourd’hui devenu majoritaire. Entre 1946 et 1980, la proportion de terres agricoles en location était comprise entre 40 et 51 %. À partir de 1980, le recours au fermage a fortement augmenté. Ainsi en 2010, le recensement agricole a montré que 75,9 % de la surface agricole utile (SAU) était en fermage et 0,8 % en métayage. En 2016, en France métropolitaine, 22 111 exploitations étaient en location et 5 592 en faire-valoir direct (c’est-à-dire que le propriétaire exploite lui-même ses terres).
Un encadrement strict des règles de contrat de fermage
La particularité du fermage est d’être soumis à un statut d’ordre public : des règles limitent la liberté des co-contractants concernant la durée, le montant du loyer, et les conditions de renouvellement du bail.
La liberté contractuelle est en effet encadrée par quatre principes directeurs du statut du fermage, imposés par le code rural et de la pêche maritime :
- une durée ne pouvant être inférieure à neuf ans ;
- la reconduction tacite du bail rural pour une durée de neuf ans ;
- les baux ruraux sont incessibles : le preneur ne peut pas transférer son droit personnel d’exploiter à une autre personne (modulo certaines exceptions, notamment dans le cadre des exploitations familiales) ;
- le prix du fermage ne peut pas être fixé librement par les parties et fait l’objet d’un encadrement strict. La règle établit une distinction entre le loyer des terres agricoles nues, des bâtiments d’exploitation, et des bâtiments d’habitation ;
Ces contraintes du bail rural ont été pensées comme une protection pour le fermier, qui est assuré de disposer du foncier sur une longue période et peut ainsi s’investir dans son exploitation sereinement.
Ce principe est au fondement du modèle agricole français, historiquement pensé pour assurer le développement de l’activité agricole, tout en préservant les exploitations familiales. En effet, il est accompagné de dispositions permettant par exemple de céder son bail à ses descendants. Cela apporte donc une motivation à s’investir et à développer une activité agricole pérenne sur le long terme.
Le fermage, un outil historique de la politique agricole
Le bail rural a donc une fonction contractuelle pour encadrer la relation économique entre les propriétaires et les exploitants. Mais il a également un intérêt stratégique, en répondant à des orientations de politiques publiques (soutien de l’activité agricole et donc de la sécurité alimentaire de la France).
Cette seconde fonction a été primordiale dans la création du statut du fermage.
En tant qu’instrument de politique publique au service d’objectifs de politique agricole, la conclusion du bail rural est donc soumise à un “contrôle des structures”. Cela a été mis en place notamment pour préserver les exploitations familiales, et garantir la sécurité alimentaire de la France en limitant l’installation de sociétés agricoles étrangères.
Ce contrôle des structures se fait au niveau de l’attribution d’autorisations d’exploiter aux agriculteurs souhaitant conclure un bail rural, pour les demandes individuelles d’agrandissement des exploitations ou encore pour la validation des projets d’installation de jeunes agriculteurs.
Il est opéré par les préfets, après consultation des commissions départementales d’orientation agricole (CDOA) qui sont constituées de représentants de l’administration des collectivités territoriales, d’agriculteurs, de la MSA (mutualité sociale agricole) et de diverses associations (protection de l’environnement, défense des consommateurs, etc.).
Le fermage, un statut historique face aux évolutions du monde agricole
Les transformations du monde agricole (évolution de la démographie, modes de production…) créent peu à peu une inadéquation partielle du statut du fermage aux enjeux d’aujourd’hui.
L’agriculture française doit désormais se confronter à un certain nombre de défis qui ne sont plus les mêmes qu’au siècle dernier. Ce régime n’est peut-être plus totalement en phase avec les tendances actuelles (augmentation des installations NIMA (non issus du milieu agricole), exploitations en collectifs, GAEC, agriculture biologique et fermes diversifiées…). De plus, il présente encore des fragilités juridiques, encore 50% des baux étant oraux.
Toutefois, des modifications successives des lois agricoles ont fait naître de nouvelles variantes du bail rural (baux à long terme, baux cessibles, baux à clauses environnementales, etc.) pour tenter de s’adapter aux évolutions du XXIe siècle.
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2. Les différents types de contrats de bail rural, le fermage mais pas que !
Ces variantes développées par des évolutions successives, nécessitent de bien respecter les règles et le cadre juridique prévus (par exemple un acte écrit).
L’occupation de terres agricoles par un exploitant (même non formalisée par un bail écrit) relève par défaut du statut type du fermage. En cas de non-respect des règles établies, un contrat peut donc être requalifié en bail à ferme classique.
Le bail rural à clauses environnementales (BRE)
Le bail rural environnemental (BRE) est un bail rural assorti de clauses environnementales. Il permet d’inscrire des clauses environnementales qui visent au maintien ou au changement de pratiques jugées favorables à l’environnement. La mise en place de ces clauses environnementales permet au bailleur d’orienter les pratiques agricoles sur ces terres et par là même de garantir au preneur de recevoir une contrepartie financière par une réduction du loyer pour mettre en place des pratiques agricoles vertueuses pour l’environnement.
Les pratiques agricoles permettant d’améliorer la préservation de la ressource en eau, de la biodiversité, des paysages, des sols, de l’air, ou encore la prévention des risques naturels ainsi que par exemple la lutte contre l’érosion peuvent être consignées dans un BRE. Ce bail doit aussi préciser le moyen d’évaluation par le bailleur du bon respect des clauses fixées. Si le preneur ne met pas en place des pratiques adaptées pour respecter les clauses de son bail, le propriétaire peut saisir le Tribunal paritaire des baux ruraux pour la résiliation ou le non-renouvellement du bail. En cas de bail à clauses environnementales, il est inscrit dans le Code rural que la fourchette maximale s’applique mais qu’il est possible de descendre sous le seuil du minimum si les deux parties sont d’accord pour prendre en compte les contraintes imposées au preneur avec les clauses fixées.
Un BRE peut être proposé si le bailleur est une personne morale de droit public mais aussi une association agréée de protection de l’environnement, une personne morale agréée « entreprise solidaire » ou encore une fondation reconnue d’utilité publique ou un fonds de dotation.
Les parcelles pouvant être louées via ce type de bail doivent être dans un espace doté d’un statut spécifique. Parmi ces derniers on retrouve par exemple : les parcs nationaux ou régionaux, les sites Natura 2000, les réserves naturelles, les périmètres de protection de la ressource en eau, etc.
🦔 Quel type de bail propose FEVE ?
Parmi toutes les clauses qu’il est possible d’introduire dans un BRE, voici quelques exemples retenus par FEVE dans le bail rural à clauses environnementales que nous proposons aux porteurs de projet :
- le non-retournement des prairies ;
- la création ou le maintien de haies, talus, bosquets, arbres isolés, arbres alignés, mares, fossés… ;
- la diversification de l’assolement ;
- la limitation ou l’interdiction des apports en fertilisants de synthèse et de produits phytosanitaires ;
- la conduite de cultures ou d’élevage suivant le cahier des charges de l’agriculture biologique ;
- les pratiques associant agriculture et forêt, notamment l’agroforesterie ;
Ce bail est un bail rural, il est soumis au statut du fermage comme les autres.
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Le bail de petites parcelles
Lorsque la mise à disposition de terres agricoles porte sur une petite superficie, elle peut être exclue du statut du fermage. Pour cela, il faut respecter un certain nombre de conditions :
- Le bail doit porter sur une superficie de terres agricoles inférieure à une superficie maximale définie par arrêté préfectoral (ex : pour les Hautes-Pyrénées, cette superficie maximale est de 20 à 40 ares ; pour la Gironde la limite est de 2,5 ha pour des parcelles en prairies ou terres arables).
- L’ensemble des terres louées par l’exploitant agricole à un même propriétaire ne doit pas excéder la superficie visée précédemment, si ces parcelles sont de différentes natures, une pondération pourra être appliquées
- Les parcelles ne doivent pas constituer un corps de ferme, ni constituer des parties essentielles à l’exploitation.
Si ces conditions ci-dessus sont respectées, les parties n’étant pas tenues par le statut du fermage, elles peuvent décider ensemble des modalités du contrat. En cas de bail verbal, pour faire cesser le contrat, un congé doit être délivré par écrit au moins 6 mois avant le terme du contrat. En revanche, en cas de bail écrit, le contrat cesse à la date fixée par les parties. Ce bail ne s’applique pas aux parcelles ayant fait l’objet d’une division depuis moins de neuf ans.
Le bail consenti par une SAFER
Ici, il s’agit pour un propriétaire de mettre à la disposition de la SAFER ses terres afin qu’elles soient mises en valeur par un agriculteur. La durée de cette convention ne peut excéder six ans, renouvelable une fois et ce quelle que soit la surface concernée par la convention. En contrepartie de la mise à disposition, la SAFER verse une redevance au propriétaire.
À cet effet, la SAFER consent des baux qui ne sont pas soumis au statut du fermage sauf en ce qui concerne le prix (il faut respecter l’arrêté préfectoral portant sur les valeurs locatives). Ces baux déterminent, au moment de leur conclusion, les améliorations que le preneur s’engage à apporter au fonds et les indemnités qu’il percevra à l’expiration du bail. La recherche d’un preneur ainsi que l’état des lieux sont notamment réalisés par la SAFER elle-même.
Lorsque le bail a porté sur une durée supérieure à 6 ans, l’exploitant bénéficie d’un droit de préférence si le propriétaire souhaite mettre ses terres en fermage. C’est-à-dire que le propriétaire ne pourra pas proposer ses terres à un autre exploitant sans les avoir proposées au préalable à l’exploitant qui les a mises en valeur durant les 6 années précédentes.
Pour être éligible les immeubles ruraux concernés doivent être libres de toute location au jour de la signature, et, il faut que l’opération ait pour but l’une des missions attribuées à la SAFER :
- La mise en valeur agricole de terres qui ne le seraient pas ;
- L’installation, le maintien d’exploitants agricoles ;
- L’amélioration des structures parcellaires.
3. Les alternatives au contrat de bail rural et au fermage
Il existe d’autres possibilités pour mettre à disposition des terres agricoles en dehors du bail rural.
Pour rappel, les contrats relatifs aux forêts et biens relevant du régime forestier ou ceux réalisés pour l’entretien des terrains constituant la dépendance d’habitations ne relèvent pas du statut du fermage.
Outre ces exceptions, différentes conventions dérogatoires existent et sont abordées ci-dessous :
Le prêt à usage (commodat)
Le prêt à usage est un contrat par lequel un propriétaire met ses terres à disposition d’un exploitant agricole et cela à titre gratuit. À charge pour l’exploitant d’entretenir lesdites terres.
L’intérêt pour le propriétaire est, d’une part, la liberté du contrat. Propriétaire et preneur choisissent ensemble les conditions de la mise à disposition des terres. Tout en garantissant un entretien de son bien. Attention, cependant, si la gratuité du contrat n’est pas respectée, il y aura une requalification du contrat en bail rural. Cela s’applique également pour des paiements en nature (bois de chauffage, bouteilles de vin ou autres produits de la ferme) ou encore la participation aux charges foncières.
Le contrat de vente d’herbe sur pied
Il est possible de mettre en place un contrat de vente de récolte sur pied portant sur de l’herbe à pâturer ou à faucher. Il faut cependant prendre plusieurs mesures de précaution avec ce type de contrat car le risque de requalification en bail à ferme est important. Il est important que ce contrat soit rédigé par écrit. La période de mise à disposition de la parcelle pour récolte ou pâturage doit être inférieure à une année et expressément délimitée dans le contrat et ne doit pas être renouvelée plusieurs années de suite. Ce contrat ne peut pas concerner l’utilisation des bâtiments. De plus, l’exploitant agricole n’est pas tenu à des charges d’entretien ou à des travaux de culture. Il ne peut être bénéficiaire que de l’herbe poussant sur la parcelle.
La convention d’occupation précaire
Cette convention permet notamment une très importante liberté contractuelle pour le loueur et le preneur, qui peuvent fixer librement le prix et la durée du bail, et autres conditions. Pour le propriétaire, un des avantages principaux est l’absence du droit de préemption ou de renouvellement.
Cependant, ce type de contrat n’est possible que dans des cas très strictement délimités par la loi, en dehors desquels la convention pourra être requalifiée en bail rural classique par un juge.
Quelques exemples où la convention d’occupation précaire peut être possible :
- le bien est compris dans une succession en cours de partage judiciaire, ou son maintien dans l’indivision émane d’une décision de justice ;
- le fermier en place, dont le bail a expiré ou n’a pas été renouvelé, doit être temporairement maintenu en place ;
- le bien n’a pas de destination agricole, ou cette destination doit être changée (urbanisation ou autre), et son exploitation agricole est temporaire. Ce cas est souvent utilisé par des communes qui souhaitent valoriser un terrain dans l’attente de la réalisation de travaux ;
La location annuelle renouvelable
Ce type de location est réalisable dans l’attente de l’installation future d’un ou plusieurs descendants du loueur. Ce système permet d’assurer la continuité d’une exploitation en attendant la majorité ou la fin de formation d’un enfant du propriétaire qui pourra alors reprendre la tête de l’exploitation.
Dans ce cadre, le loueur peut mettre ses terres agricoles à disposition d’un exploitant déjà installé sur une autre exploitation. Cette exploitation doit avoir une surface minimum (fixée par le schéma direction de la région). Cette disposition a pour objet d’interdire la location annuelle à un preneur réalisant une installation ou une création d’exploitation.
Comme son nom l’indique, ce type de location est réalisé pour une durée d’un an, renouvelée implicitement jusqu’à une durée totale maximale de 6 ans.
La fin de la location peut être demandée à tout moment par le loueur comme le preneur, par envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception, au moins 2 mois avant la date du renouvellement annuel. Toutefois, le propriétaire ne peut faire cette demande que dans le but d’installer un de ses descendants.
La location sera automatiquement requalifiée en bail rural ordinaire :
- si aucun descendant n’est installé à l’issue des 6 ans;
- en cas de cession onéreuse des terres sur lesquelles porte la location;
À noter que la location annuelle renouvelable, en tant qu’exception, ne bénéficie pas de certaines dispositions du statut du fermage classique :
- le preneur ne peut pas procéder à des échanges ou locations de parcelles ;
- il ne pourra pas se prévaloir d’un droit de cession de bail ;
- il ne peut pas bénéficier des indemnités de preneur sortant ;
Le contrat d’entreprise
Un autre type de contrat possible est le contrat d’entreprise. Le propriétaire a le droit de faire appel à une entreprise pour réaliser des travaux sur son exploitation. Il a recours à une entreprise tierce qui réalise les travaux nécessaires à l’exploitation contre facturation d’une prestation de service.
Attention toutefois à la requalification possible en bail rural : il est indispensable d’établir un contrat écrit, précisant l’objet de l’intervention, la nature des travaux à effectuer, la période de réalisation, la durée et le prix de la prestation. Par exemple, en cas de mise à disposition des terres sans interruption à un même entrepreneur, une requalification en bail rural est très probable. Il faut également éviter de revendre exclusivement la récolte à l’entrepreneur.
Ce type de contrat est totalement différent des autres exemples, car c’est ici le propriétaire qui paie l’exploitant pour sa prestation, tout en conservant le fruit des terres. Il demeure fiscalement et socialement l’exploitant de ses terres.
🦔 Et après ?
Vous pouvez maintenant parler de fermage et des différents types de baux sans avoir peur de vous tromper de termes !
Le prochain volet de notre dossier ? Comprendre les composantes du fermage afin de maîtriser les tenants et aboutissants de votre bail rural !
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