FEVE a reçu dans le cadre d’un webinaire Max Senange, co-fondateur de Cerf Vert (Groupement Foncier Forestier écologique et participatif) pour nous exposer les enjeux de la forêt en France. Max nous a également présenté la démarche de Cerf Vert, qui a pour objectif d’acheter des forêts et de les exploiter de manière durable.
À l’origine de cette rencontre : le constat que l’action de Cerf Vert a des grandes similitudes avec ce que nous proposons chez Fermes En ViE, notamment une approche de production durable et responsable, ainsi que la volonté d’implication forte des citoyens, par le financement du foncier ou le soutien à une filière responsable.
Cette présentation m’a ouvert les yeux sur le vaste sujet de la gestion forestière et ses nombreux enjeux. La forêt est immense, magnifique et pleine de vie. Ceux et celles qui ont la chance de profiter de la fraîcheur des sous-bois pour se promener, observer la faune sauvage, ou ramasser des châtaignes ou des champignons, connaissent déjà la richesse qu’elle représente et le bien-être qu’elle peut nous procurer. Mais derrière ce sujet se cachent encore bien d’autres questions : à qui appartiennent les forêts, comment sont-elles gérées et exploitées, comment garantir que ces écosystèmes incroyables soient préservés ?
A l’heure où l’on parle d’un bouleversement potentiel de l’équilibre de la forêt amazonienne, sachant l’importance qu’elle revêt dans le cycle de l’eau, le stockage de CO2, et la biodiversité incroyable qu’elle abrite, se questionner sur l’avenir de nos forêts semble incontournable. Et pourquoi ne pas (s’)investir dans leur préservation pour aller plus loin ? Voici donc une synthèse de ce que cette intervention instructive m’a appris, augmentée de recherches complémentaires personnelles pour creuser certains sujets précis. Il ne s’agit donc pas d’une restitution exacte du webinaire. Pour ceux qui souhaitent consulter le replay du webinaire, vous le trouverez sur ce lien.
Si notre précédent article sur les groupements fonciers forestiers (GFF) abordait le “comment investir dans un GFF”, celui-ci est davantage tourné vers le “pourquoi investir”.
Au sommaire…
En France, la forêt est à la base d’une chaîne de valeur écologique, économique et sociale importante
La forêt rend de nombreux services écosystémiques essentiels :
La gestion forestière, et plus globalement l’impact de l’homme sur les forêts en France métropolitaine, remonte à bien longtemps. Dès l’époque gallo-romaine, on crée les premiers cadastres et des plans de défrichements pour construire les réseaux de routes romaines notamment.
Pendant la période du Moyen Âge, la surface boisée diminue avec une tendance régulière, car la croissance démographique implique d’augmenter la production alimentaire, et donc de défricher pour avoir plus de parcelles agricoles, mais aussi de prélever plus de bois de chauffage.
Le début de la gestion forestière institutionnelle date de Philippe Le Bel en 1291 avec la création de l’administration des Eaux et Forêts, mais pendant longtemps les forêts françaises restent encore surexploitées sans aucune réglementation.
Un premier “code forestier” est instauré par Philippe VI de Valois en 1346, face au constat que les réserves de bois diminuent fortement, en raison de la croissance démographique. Par une ordonnance de 1349, Philippe de Valois donne à des forestiers la mission de garantir la durabilité et la soutenabilité de l’exploitation forestière.
De 1600 à 1800, la diminution de la superficie des forêts s’accélère avec les besoins croissants de développement : le bois est à la fois combustible, matériau de construction pour les bâtiments mais aussi pour les navires marchands et militaires…
Malgré une ordonnance datant de 1669 rédigée sous l’impulsion de Colbert, visant à assurer la pérennité de l’activité sylvicole en protégeant et en restaurant les ressources forestières, la forêt française atteint son minimum historique en superficie après cette période d’exploitation croissante, à l’aube de la révolution industrielle.
Au cours du XIXe siècle, la mise en place d’un nouveau Code Forestier (1827), la transition vers l’usage du charbon et le recul des surfaces d’exploitation agricole expliquent l’inversion de la tendance. Depuis, le stock de bois de la forêt française métropolitaine a doublé. Elle représente désormais près de 31 % du territoire et continue de s’accroître par expansion naturelle.
On voit donc que la gestion forestière est intimement liée au rythme économique et social.
La répartition des forêts sur le territoire est variée en surfaces et en espèces. Elles sont composées à 71% de feuillus et 29% de résineux.
On trouve davantage de forêts en montagne, en milieu accidenté où il est difficile de faire de l’exploitation agricole.
Selon les régions, on trouve également plutôt des forêts monospécifiques (1 espèce majoritaire) ou des forêts avec de plus grandes diversités d’essences.
L’introduction de nouvelles essences sur le territoire a d’abord été liée à des objectifs d’ornements ou scientifiques, lors des retours de naturalistes et de voyageurs partis dans d’autres régions du monde.
Puis plus tard on a introduit des espèces nouvelles pour reboiser avec des essences qui se sont très bien adaptées.
Les essences dont le volume croît le plus en France aujourd’hui sont d’abord les chênes nobles (pédonculé, sessile) qui sont indigènes, et en 2e position le pin douglas, importé d’Amérique du Nord dans les années 60 pour ses propriétés de construction.
La forêt peut être un outil de lutte, un bouclier, mais elle est également très fragile et peut souffrir fortement d’un changement trop rapide. Les écosystèmes mettent du temps à s’adapter, et certaines essences en subissent déjà les effets. Par exemple, le hêtre et le chêne pédonculé sont très sensibles à la hausse des températures et des études sont en cours pour prévoir le remplacement progressif par des essences plus résistantes, menées notamment par l’ONF (Office National des Forêts).
La forêt française représenterait 2,6 milliards de tonnes de CO2 stockées, et 80 Millions de tonnes de CO2 supplémentaires sont absorbées par la forêt chaque année (augmentation de la surface forestière : la forêt grandit, le volume de bois est plus important donc davantage de CO2 stocké chaque année sous forme de bois/biomasse)
80% de la biodiversité terrestre vit en forêt (estimation au niveau mondial, voir rapport FAO – Global Forest Resources Assessment 2020).
En effet, la plupart des forêts forment des écosystèmes plus divers que d’autres types de milieux naturels (arbres, plantes, animaux, insectes, champignons et tous les microorganismes vivant dans les milieux forestiers…). Il faut considérer cette biodiversité à plusieurs niveaux : écosystèmes, paysages, espèces, populations et variétés génétiques de tous ces êtres vivants, dont les interactions complexes permettent une adaptation aux évolutions de conditions environnementales.
Et pourtant la déforestation et les dégradations des milieux forestiers sauvages se poursuivent à une vitesse inquiétante, contribuant de façon significative à la perte de biodiversité au niveau mondial.
La gestion industrialisée consiste à faire de la plantation d’arbres sur une parcelle et à récolter toute la parcelle environ 40 années après (selon les espèces bien sûr). On détruit donc toute la forêt d’un coup sur cette parcelle.
La prise de conscience de plus en plus forte de l’intérêt de maintenir des écosystèmes forestiers soutient le développement d’une gestion plus durable de la forêt, c’est-à-dire de couper des arbres dans une logique d’entretien et de préservation. Ne pas faire de coupes rases permet donc à un écosystème de se construire sur le long terme dans la forêt ainsi gérée.
À la date d’écriture de cet article (mars 2022) ces sujets se retrouvent dans l’actualité très récente. Le dernier rapport du GIEC mentionne les impacts et la vulnérabilité des écosystèmes, les pistes d’action notamment sur la biodiversité et le vivant, dont les forêts. On y retrouve une mise en garde de l’accroissement des feux de forêts partout dans le monde. (sécheresses des sols, fragilisation de la biomasse). Les grands incendies de forêts liés aux sécheresses successives sont d’autant plus inquiétants qu’ils libèrent le CO2 stocké par la biomasse forestière. Miser sur la plantation d’arbres pour stocker du CO2 est-il toujours une bonne stratégie ? Cela ne doit pas se faire n’importe comment.
Il est donc important de diversifier les essences et d’avoir une gestion plus durable des forêts, afin de développer la résilience du milieu forestier.
Les assises de la forêt se sont également déroulées au mois de mars 2022, et s’il reste des sujets soumis à discussion, 2 points font consensus parmi les participants :
75% de la surface de forêt est privée et détenue par 3,3M de propriétaires (précision : “forêt privée” ne veut pas dire interdite au public, mais détenue et gérée de façon privée). Les autres 25% sont détenus par l’État (forêts domaniales) ou les collectivités locales, et sont gérés par l’ONF.
Qui sont ces propriétaires privés ?
Un grand nombre de propriétaires possède donc des parcelles très petites (moins de 4ha), souvent divisées et re-divisées au fil des successions.
Aujourd’hui on met en place des chartes forestières pour une meilleure gestion des forêts, sur certaines communes, dans les parcs régionaux, mais ces politiques sont non contraignantes, pas de réglementation qui interdise les coupes rases par exemple.
Le prix de l’hectare de forêt varie énormément sur le territoire, selon les circonstances et l’emplacement. Par exemple :
L’estimation moyenne se situe aux alentours de 3500 à 4000€, pouvant varier selon la qualité du sol et le peuplement (volume, type de bois, quantité et qualité) ;
Une option possible dans les zones de prix élevés : racheter une parcelle suite à une coupe rase. En effet, la parcelle sera beaucoup moins chère du fait de l’absence de “stock” de bois valorisé. Cela permettrait alors de pouvoir replanter de façon diversifiée. Un propriétaire forestier qui a fait une coupe rase a une obligation de replanter. Coût de replantation estimé : 4000 à 6000€/ha (source : the-forest-time.com).
Il existe des GFF portés par des motivations diverses :
Avant d’investir dans un groupement foncier forestier il faut donc savoir pour quelle raison/motivation on le fait, ce qu’on cherche et ce que l’on veut éventuellement défendre avec son épargne.
Si votre motivation est celle de la sauvegarde il existe de nombreuses solutions pour préserver la forêt. Quelques exemples :
Les principes de Cerf Vert
Une gestion respectueuse du vivant :
Une sylviculture raisonnée :
Un projet ancré dans le territoire et participatif :
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